Saturday, December 31, 2005

Liberté en trompe l'oeil - analyse de cette presse "libre"

La liberté de la presse en Algérie
En trompe l’oeil


Djamaldine Benchenouf, octobre 2005

« Il est incontestable que la plupart des patrons de presse sont soit des auxiliaires, soit des otages du pouvoir. » Salima GHEZALI

Depuis quelques mois, comme par un tacite accord, les journalistes Algériens et plus particulièrement les patrons de presse, ne disent plus "presse indépendante" mais "presse privée". Ils se sont délestés d'un qualificatif un peu lourd à porter mais qu'ils n'en revendiquaient pas moins avec une pathétique obstination. Cette mutation sémantique est pourtant significative. Les forces qui avaient émergé à la faveur de l’interruption du processus électoral en 1992 et qui avaient trouvé dans la presse « indépendante » un allié de choix, qui l’ont conditionné et qui l’ont utilisée, sont aujourd’hui en phase de recomposition. Ou de décomposition. Celles qui émergent depuis l’élection et surtout la réélection du président Bouteflika, ont dorénavant la main. Elles procèdent d’autorité à une redistribution des cartes. La presse privée est sommée, toujours de façon brutale, de revoir sa copie et de témoigner au clan présidentiel, la même déférence et surtout la même réserve que celle qu’elle observe à l’endroit des généraux. Elle qui s’était, dans sa majorité et à des degrés divers, engagée contre la réélection de Bouteflika et pour le candidat Benflis, n’ose pas avouer qu’elle a été trompée par ses commanditaires galonnés. Ceux-ci, qui en avaient fait leur principale machine de guerre contre la réélection du président sortant, lui avaient donné l’assurance que Benflis serait élu. Certains patrons de presse, prudents, ont préféré ne pas insulter l’avenir. D’autres, par contre, se sont jetés tout entiers dans la bataille. Toute la corporation connaît l’exemple de quotidien francophone, le deuxième du pays, qui avait été embrigadé du jour au lendemain dans la lutte sourde pour la « bénédiction » de celui qui devait devenir le président de la République. Le staff et la ligne éditoriale furent réaménagés en deux temps, trois mouvements. Les journalistes de la rédaction centrale s’opposèrent farouchement au parachutage du nouveau directeur et menacèrent de démissionner en bloc. Le propriétaire du journal, richissime homme d’affaires, se présenta au siège et asséna aux frondeurs qu’il avait donné sa parole, que sa décision était irrévocable et qu’il ne cèderait pas au chantage de la démission collective. En l’espace de quelques jours seulement, le journal entra en guerre. Sur un ton proche de l’hystérie. Le dénigrement systématique et sans nuance du clan Bouteflika devint la principale matière du journal. Jusqu’à l’écoeurement. Les sources étaient des officines qui avaient été mises en place pour fournir aux journaux « pro-Benfis » des scoops parfois sordides. La principale rubrique du journal, une page à sensation la plus lue de la presse francophone, a été des mois durant et au dam des journalistes qui avaient fait sa réputation, consacrée à cet usage presque exclusif.
L’élection de Benflis semblait acquise. Mais Bouteflika réussit, à force de tactiques mais aussi de concessions, à emporter l’adhésion des généraux et à imposer sa réélection. Benflis fut lâché du jour au lendemain par ceux qui lui avaient promis un destin national. Ils ne lui accordèrent même pas la faveur d’une sortie honorable. Sa carrière politique, prometteuse, fut broyée. Tous ceux, politiques ou commis de l’Etat, qui l’avaient soutenu furent remerciés sans autre forme de procès. La mise au pas de la presse privée fit partie du deal conclu entre Bouteflika et les généraux. Le cas de Benchicou, le directeur du Matin est exemplaire de cet accord. Le ministre de l’intérieur et néanmoins ami du chef de l’Etat, avait été dénoncé dans une série d’articles du Matin comme ayant torturé un citoyen avant de le spolier d’un local commercial. L’affaire avait fait grand bruit. Après cela et parallèlement à une attaque en règle contre le clan présidentiel, Benchicou avait fait paraître en France Une imposture Algérienne, un livre pamphlétaire fourmillant de révélations gravissimes sur Bouteflika. A ce moment là, celui-ci et les généraux étaient encore à couteaux tirés. Le puissant ministre de l’intérieur avait promis, presque publiquement, qu’il jetterait Benchicou en prison et qu’il interdirait son journal. Ce qui fut fait dès que l’entente fut conclue avec la junte. Le journal fut fermé, son siège bradé aux enchères publiques pour régler partiellement des dettes et un redressement fiscal effarant. Après un procès cousu de fil blanc Benchicou qui aurait dû, dans le pire des cas, écoper d’une amende et d’une peine avec sursis, fut condamné à deux ans de prison ferme et immédiatement incarcéré. D’autres plaintes pour diffamations sont instruites contre lui et pourraient lui valoir de rester plus longtemps en prison. Le jeune et nouveau directeur de l’autre journal fut gentiment viré. Il fallait bien un fusible au puissant propriétaire. Celui-ci s’est d’ailleurs très bien tiré d’affaire et a trouvé la panacée pour se prémunir puisque contrairement à ce qui lui avait été réservé, le redressement fiscal et la mise en faillite lui furent épargnés. Le ton était donc donné. Le nouveau clan fort s’est imposé aux généraux. Ceux-ci ne sont plus les seuls décideurs. Les patrons de presse ont compris que leurs alliés de conjoncture ne peuvent plus ou ne souhaitent plus les protéger. Ils entament depuis lors un repli stratégique et adoptent un profil bas.
L’unanimisme obtus autour d'une certaine idée de la presse "la plus libre du monde arabe et du tiers monde" aura vécu. En bons gestionnaires de leurs titres et de leurs statuts de nouveaux riches, certains patrons de presse ont compris qu'il allait maintenant de leur intérêt de se délester de cette image niaise, même si elle fut payante, de pourfendeurs de la dictature et de redresseurs de torts. Aujourd'hui, ils répètent à l'envi qu'une presse indépendante et réellement objective n'existe nulle part au monde et qu'il n'est pas immoral pour un média d'avoir ses propres engagements, ses ancrages et ses choix politiques. Mais ces nouvelles professions de foi suffiront elles à faire oublier des compromissions qui ont lourdement pesé sur la crise algérienne ?
La presse privée est d’autant plus choquée d’être ainsi répudiée qu’elle croyait avoir mérité pour toujours une place au soleil. Elle avait, en effet joué depuis l’interruption du processus électoral un rôle extrêmement important, celui de complice actif, puisqu’en plus de passer sous silence des crimes et des manipulations abominables, d’une ampleur insoupçonnée, elle a contribué à endormir et à leurrer l’opinion internationale. C’était là le rôle dévolu surtout à la presse francophone, dont tous les titres réunis ne disposent même pas de 15% du lectorat algérien, mais qui a pourtant la prééminence, aux yeux du pouvoir, sur la presse arabophone. Celle-ci est ou n’est destinée qu’à la consommation locale. Des trésors d’imagination avaient été déployés pour parer l’une et l’autre d’une crédibilité inattaquable. Ceux qui l’ont utilisée sans compter en ont fait leur porte parole et le garant de leur honorabilité aux yeux du monde. Au moment où ils avaient ourdi et mis en œuvre une guerre contre les civils. Contre une population qui avait osé voter pour le FIS et qui continuait de lui témoigner sa sympathie. Les généraux avaient compris que la population devait être retournée toute entière contre les islamistes armés. Il y allait de leur survie. Au sens littéral du terme. Avec une froide détermination, ils mirent en œuvre une stratégie meurtrière qui consistait à infiltrer les rangs islamistes, à créer et à récupérer de nouveaux groupes particulièrement sanguinaires, comme les GIA, pour leur faire perpétrer des massacres collectifs d’une rare sauvagerie. Les journaux et la télévision avaient été investis de la mission de propager ces évènements, d’en répercuter les scènes les plus insoutenables. Les islamistes ne furent pas en reste et firent leur part de carnage. C’est tout ce que l’oligarchie attendait d’eux. Sous prétexte de sauver la République de la sauvagerie islamiste, la presse algérienne adopta une démarche totalement inféodée aux généraux. Après avoir cautionné et justifié l’interruption du processus électoral et largement contribué à la diabolisation du FIS, elle réussît la gageure de passer sous silence le massacre de dizaines de milliers de civils innocents par le pouvoir, des milliers d’enlèvements, une pratique de la torture instituée en règle généralisée de la torture, au point d’être désignée sous le vocable quasi officiel d’ « exploitation ».
En février 1992, la période de flottement qui succédait à l'interruption du processus électoral a été l’occasion d’une recomposition des forces au sein des clans. Le coup d'Etat était cousu de fil blanc. Les généraux avaient décidé d'empêcher les islamistes d'accéder au pouvoir, non pour sauver la démocratie, mais parce qu'ils n'avaient pas réussi à négocier avec ceux-ci et avec Chadli, des parts du pouvoir et l'engagement qu'ils ne seraient pas inquiétés. Les islamistes étaient ivres de leur écrasante victoire. Mais ils savaient que les Algériens, toutes tendances confondues, les avait plébiscités, non seulement pour leurs discours de mosquées mais surtout parce qu'ils promettaient de juger les généraux et de rapatrier les fortunes détournées. En menaçant ouvertement ces derniers et en ne leur laissant aucun échappatoire. Les islamistes montrèrent ainsi toute leur incapacité d’adaptation à la conjoncture et à la réalité politiques. Ils se montrèrent inflexibles, promettant du haut de leurs chaires des procès retentissants. Le président Chadli jouait le jeu et déclara publiquement qu’il était prêt à cohabiter avec les islamistes. Aculés, convaincus qu'ils allaient être jetés en pâture à la foule, les généraux ont joué le tout pour le tout, sachant qu’ils allaient mettre le pays à feu et sang. Ceux qui n'étaient pas avec eux étaient contre eux. Ils mirent en branle une politique de répression d'une rare brutalité. Ils avaient battu le rappel de tous ceux dont la voix était suffisamment entendue pour couvrir le bruit de leurs exactions. Certains s'étaient lancés, à leurs côtés, dans la tourmente, en toute bonne foi, clamant que des deux maux, il fallait choisir le moindre. On parlait alors de peste et de choléra. Ce fut, comme de nombreux autres, le cas du Président Boudiaf que les généraux réussirent à piéger. Il donna à leur entreprise toute la légitimité qui lui manquait. Lorsque, plus tard, il envisagea de les écarter et de détruire le système de corruption qu’ils avaient mis en place, ils le firent assassiner de façon spectaculaire. En direct et en gros plan à la télévision. Comme une réédition de l’affaire Kennedy. Avec la même fin en queue de poisson.
De nombreux intellectuels, syndicalistes, politiciens de l'"opposition" et journalistes dits indépendants furent récupérés. Il n’était pas de bon ton, voire extrêmement périlleux, d’afficher la plus timide hésitation. Celui qui n’adhérait pas à la dynamique des généraux était un traître, un pro islamiste. Toute exaction contre lui, y compris son exécution s’en trouvait justifiée. Les islamistes furent poussés inexorablement à la violence. Ce qu’ils firent avec une rare férocité. La presse"indépendante" s'impliqua totalement dans le combat pour la « sauvegarde de la République ». Un nouveau bréviaire était né. Dans une Algérie à feu et à sang, il n'y avait plus que des "forces rétrogrades et moyenâgeuses" d'un côté et les " patriotes républicains", « la famille qui avance » de l'autre.
uiconque apportait la moindre nuance à ce manichéisme outrancier devenait un renégat aux yeux d'une presse hystérique et qui en faisait parfois plus que ses commanditaires n'exigeaient d'elle. Les journalistes de cette presse devinrent les ennemis à abattre pour les islamistes. Cinquante trois d’entre eux furent assassinés, de façon horrible et cinq autres ont été enlevés dans des circonstances très troubles. Certains furent égorgés sous les yeux de leurs propres enfants. Beaucoup d'entre eux, ainsi que d'autres intellectuels, artistes, syndicalistes et politiciens particulièrement estimés de la population, furent assassinés par les services de sécurité ou par des islamistes manipulés par ces derniers. Pour aviver la haine et hâter le basculement de l'opinion publique du côté du régime. Une politique de carnage et de dévastations fut froidement mise en branle et exécutée sans sourciller. Politique qui se soldera par plus de 200 000 morts selon la propre estimation du Président Bouteflika. Les crimes des terroristes islamistes seront rapportés avec un souci de détail qui confinera au macabre. L’information dite sécuritaire était dictée par les services.
Certains journalistes ont été spécialisés pour cette activité. Ils rapportent des faits supposés se dérouler en zone de combat avec une précision qui laisse imaginer qu’ils étaient présents sur les lieux, qu’ils connaissent l’organisation des groupes terroristes dans leurs plus infimes détails. En fait, ils sont littéralement connectés au DRS. A un certain moment, ils ne s’en cachaient même pas et semblaient même s’en vanter. Ils sont devenus une sorte de secte dans la corporation et y sont notoirement connus. Ils jouissent de privilèges au sein de leurs rédactions respectives et sont relativement à l’abri de certains besoins, comme le logement, la voiture, un bon salaire et des entrées dans des cercles de décideurs. Des dizaines de journalistes ont ainsi été infiltrés ou retournés par le DRS. En plus de leur mission de conditionnement de l’opinion en faveur du régime, ils se prêtent à des règlements de compte entre clans.
Des journalistes qui s’étaient activement engagés en toute bonne foi contre les islamistes et qui déploraient tous la perte de confrères et d’amis, étaient tiraillés entre ce qu’ils savaient des méthodes des généraux et du danger que représentaient les islamistes s’ils prenaient le pouvoir. Ils convenaient qu’il existait bien des «dépassements » mais ajoutaient qu'"on ne peut faire une guerre avec des gants blancs".C’était là, pendant la moitié des années 90 un leitmotiv récurent. Plusieurs d’entre eux et pas des moindres reviennent aujourd’hui de leurs illusions Des personnalités qui s'étaient élevés contre ces horreurs érigées en épopées guerrières seront vouées aux gémonies par cette même presse. Des représentants des ligues des droits de l'homme, comme Me Ali Yahia Abdenour et d'autres qui seront enlevés, séquestrés et même assassinés, ont été l'objet d'attaques abjectes. Ils seront insultés à longueur de colonnes, diffamés, traînés dans la boue, parfois même ouvertement menacés. Certains journalistes zélés proposeront même de les déchoir de leur nationalité algérienne. Pour avoir seulement dénoncé la torture, les exécutions sommaires, les massacres de civils et les enlèvements perpétrés par les services de sécurité ou les escadrons de la mort.
La presse privée ira plus loin dans la défense de la junte en attaquant violemment les organisations non gouvernementales, comme Amnesty International et tant d’autres qui tentaient d’alerter l’opinion sur ce qui se passait réellement en Algérie. Elle mit un zèle remarquable à fustiger, des années durant, les tenants du « Qui tue qui », niant farouchement que l’armée algérienne et les services de sécurité aient la moindre responsabilité dans les massacres. Elle reconnaissait néanmoins et du bout de la plume, pour faire bonne mesure et montrer patte blanche, quelques bavures isolées. Alors que tous les Algériens savaient, à des degrés divers, que le massacre des civils n’était pas le fait des seuls islamistes. Mais la presse indépendante, républicaine, démocratique et patriote, comme elle aime à se qualifier, ira plus loin encore. Lorsque des membres de l’armée et des services de sécurité parvinrent à fuir le pays et qu’ils firent des révélations inouïes sur le rôle des généraux dans les massacres, la presse privée déclencha contre eux une campagne aveugle, un tir de barrage généralisé. Elle les accusait de toutes les ignominies. Sans leur laisser le moindre bénéfice du doute. Elle les accusa d’être des traîtres. Le lieutenant Souaidia, auteur de La sale guerre, eut droit à des dizaines d’articles, tous plus corsés les uns que les autres. Jusqu’à lui reprocher d’être manipulé et à le traiter de repris de justice agissant sous l’effet de la rancune. Des journalistes allèrent jusqu’à persécuter sa famille à Tébessa. Cette presse continua de défendre les généraux contre les accusations de crime contre l’humanité, sous l’alibi de défendre la République, même lorsque le lieutenant Colonel Samraoui apporta à son tour un témoignage bouleversant dans cette stratégie du crime collectif. Samraoui était pourtant un adjoint direct du général Smail Lamari, l’un du quarteron des décideurs militaires. Ses révélations sur le rôle des généraux dans cette guerre contre les civils sont effoyables. Pourtant, grâce au rôle que joua la presse privée algérienne, elles furent littéralement passées sous silence et n’eurent pas l’effet qu’elles auraient dû avoir.
La presse "indépendante" a donc joué un rôle capital dans l’épisode sanglant dans lequel les islamistes et les généraux se sont affrontés par civils interposés. C'est grâce à elle que la junte a réussi à renverser la situation à son profit. Malgré l'ampleur des massacres et sans que l'opinion internationale ne soit alertée. Pratiquement à huis clos. Cette presse qui avait conquis aux yeux de l'occident ses lettres de noblesse, était devenue le rempart du régime, tout en faisant mine de l'exécrer et de le combattre. Un exercice de haut vol. Une stratégie éprouvée qui réussira à tromper tout le monde, jusqu'à des fins observateurs de la politique, des intellectuels, Français notamment, et des médias d’envergure internationale. C'est grâce à cette complicité réellement active que tous ces crimes contre l'humanité sont passés à la rubrique "pertes et profits".
Aujourd'hui, il est question de faire passer une loi d'amnistie qui absoudra autant les terroristes islamistes que ceux en uniforme. Pour contourner toutes les prescriptions de crimes contre l'humanité, il est prévu de faire passer la loi par voie référendaire. Ce sera le peuple souverain qui pardonnera. Cette nouvelle tactique, dont la motivation principale est d’absoudre les généraux, en plus de leur permettre de couler des jours heureux et de jouir des immenses fortunes qu’ils ont amassées, est le fruit d’un deal conclu entre ces derniers et le Président Bouteflika avant sa réélection. Les généraux ont accepté de sacrifier le candidat Benflis auquel ils avaient pourtant promis la présidence et de bénir le candidat Bouteflika, si celui-ci acceptait de leur donner des garanties de ne jamais être jugés ou seulement inquiétés. L’amnistie pourrait même être étendue à une dimension financière. La cagnotte amassée à la faveur de la flambée du prix des hydrocarbures va permettre, encore une fois, d’anesthésier les consciences et d’effacer l’ardoise. La presse se montre assez timide en face de cette gravissime initiative. Il y a quelques années pourtant, lorsque des personnalités courageuses ont tenté d’initier un processus d’apaisement et de règlement pacifique de la crise, comme lors de la rencontre de San Egidio, la presse a déclenché contre eux une attaque en règle, d’une violence inouïe. Au point où ceux qui avaient osé évoquer un possible retour à la paix n’osaient même plus sortir de chez eux. Lors de cet épisode, les opérations d’intox avaient atteint leur apogée. L’Algérie fut de nouveaux déchirée entre « réconciliateurs » honnis et « éradicateurs » sauveurs. Les premiers étaient malheureusement si rares. En ces temps, les généraux avaient encore besoin de maintenir l’Algérie dans la tourmente. La situation induite par la violence leur avait permis d’ériger des fortunes colossales. Le syndrome Pinochet n’existait pas encore et ils n’avaient pas encore été inquiétés par le spectre des cours pénales internationales. Aujourd’hui qu’ils ne peuvent se rendre dans un pays européen sans craindre d’être entendus à la suite d’une plainte pour crime contre l’humanité, ils ont décidé de faire mettre en route une dynamique de grand pardon. Bizarrement, mais parce que la consigne est tombée, les éradicateurs d’hier sont devenus les plus zélés des réconciliateurs.
Ils sillonnent le pays pour prêcher la réconciliation. Du coup, leurs zélateurs de la presse découvrent les vertus de la concorde et de la paix retrouvées. Ils manifestent en même temps une étonnante modération, deviennent plus critiques vis à vis d’eux mêmes, plus nuancés puisqu’ils évoquent même, quoique timidement, l’opposition des familles des victimes du terrorisme, reconnaissent des erreurs, révoquent le qualificatif de presse indépendante, mettent aujourd’hui un bémol à leurs critiques contre un chef d’Etat qui a su s’imposer aux militaires. En somme, le roi est nu. La presse privée, qui a compris avec l’affaire Benchicou, que les généraux ont accepté de la lâcher voire à l’accabler cherche ses marques et ne sait plus très bien où donner de la tête. Surtout que depuis quelques mois, sa liberté de ton en trompe l’œil ne fait plus illusion. Car jusqu’à cette croisée des chemins où se trouve aujourd’hui l’Algérie, le non initié étranger ne comprenait pas le procès qui est fait à la presse privée algérienne. Depuis la Une jusqu’aux faits divers, il n’y était question que de la dénonciation des scandales, des passe-droits, de fines analyses politiques, d’éditoriaux édifiants et de caricatures remarquables. Pour ce dernier point, il faut savoir que ces journaux ont le privilège d’avoir des caricaturistes de très grand talent et de renommée internationale. L’un d’entre eux, Dilem, croque presque chaque jour des généraux dans des postures hilarantes. En plus de ses positions courageuses et tranchées, ses bulles n’en sont pas moins géniales. On raconte qu’un général avait mis une de ces caricatures qui le représentait sous le nez d’un journaliste occidental. On l’y voyait ventru, fessu, moustachu, avec le nombril qui dépassait de la ceinture et les poils qui lui sortaient des oreilles. «Pensez vous qu’une presse aux ordres puisse représenter impunément et aussi honteusement un général qui est censé être un dictateur et un assassin ? »Dit il ! Mais la caricature mise à part, la question est de savoir s’il y a eu un seul article de fond qui fait état des graves violations des droits de l’homme ou du pillage éhonté dont se sont rendus coupables ces généraux ? La matière est pourtant largement disponible. A profusion ! Dans ce pays mis en coupe réglée, où des crimes contre l’humanité ont été commis en toute impunité et où la corruption est instituée en principe cardinal.
La seule fois où cette presse s’était faite l’écho d’une attaque contre un général fut l’affaire Betchine. En fait, ce général, véritable Ubu roi, mais néanmoins ami intime du chef de l’Etat de l’époque, s’était révélé une menace pour ses pairs qu’il essayait en quelque sorte de doubler. Il tentait de s’emparer de parcelles supplémentaires du pouvoir sans les négocier avec ses comparses. Il lorgnait même du côté du fauteuil présidentiel. Un ancien journaliste, M.Boukrouh, qui avait crée un minuscule parti politique à la faveur de l’ « ouverture démocratique » fut « sollicité » pour rédiger un brûlot contre le général Betchine. Des journaux arabophones et francophones à grand tirage furent « sollicités » à leur tour pour faire paraître le brûlot. En fait, cette attaque ne fut spectaculaire que parce qu’elle dérogeait à un tabou. C’était la première fois, hormis l’affaire Belloucif qui relève d’une autre logique, qu’un général Algérien était publiquement cloué au pilori. Dans le fond, ce n’était là qu’un tir à blanc. Le général Betchine l’avait bien compris puisqu’il ne se défendra que très mollement, alors qu’il disposait d’un puissant groupe de presse et qu’il avait à sa disposition des informations accablantes sur ses adversaires. Mais il savait que cette attaque n’était qu’un avertissement et que ses confrères étaient capables du pire. Il se le tint pour dit. M. Boukrouh a été bombardé ministre.
La presse privée algérienne a été créée deux années après les émeutes d'octobre 88. Les vielles méthodes du parti unique avaient fait leur temps. Partout dans le monde les systèmes autoritaires s'effondraient, laissant avec plus ou moins de bonheur la place à l'émergence du multipartisme. En Algérie, le régime sut canaliser à son avantage les aspirations populaires. En mettant lui-même en place une impressionnante façade républicaine. Les Institutions élues furent réaménagées dans la « transparence ». Une soixantaine de Partis politiques ont été crées, pratiquement du jour au lendemain, après 27 ans de parti unique. Beaucoup de publicité et de tapage médiatique ont été entretenus autour de ces nouvelles formations.
our faire croire que le changement était bien réel mais aussi, de façon subliminale, pour exhiber tout le côté loufoque de la quasi-totalité de ces pseudos partis. Un show télévisuel fut donné à la population, des mois durant. On y voyait quotidiennement d’illustres inconnus, bombardés chefs de partis, se laisser aller à des diarrhées verbales et réclamer leur part de pouvoir. L’un de ces pitres, questionné sur ce qu’était son programme, répondit qu’il n’était pas dupe et qu’il ne le rendrait public que lorsque le peuple l’aura élu à la magistrature suprême. Cette incroyable anecdote et bien d’autres encore, fut transmise en direct aux téléspectateurs médusés. Au point où les Algériens ne tarderont pas à regretter le FLN, ce parti qu’ils honnissaient pourtant et dont ils avaient dévasté les sièges et les permanences dans tout le pays, en octobre 88.
De la même manière, la presse algérienne "indépendante" sortira toute casquée du crâne des maîtres du pays. Tous les anciens journalistes de la presse publique pouvaient, s'ils le désiraient, jouir d'un nouveau dispositif pour créer leurs propres titres. Beaucoup, qui avaient été des plumes zélées au service du FLN et du régime, s’embarquèrent dans ce qu'ils qualifièrent assez pompeusement d’"aventure intellectuelle". Des aides substantielles leur furent accordées. Deux années de salaire, des subsides, des locaux, une assistance technique, des crédits très importants et autres facilités du genre.
En peu de temps, de nombreux journaux de tout genre seront crées. Avec une facilité déconcertante pour un pays dont l’administration est parmi les plus tracassières du monde. Beaucoup d'entre eux ne tiendront pas la route. La presse "indépendante" était née. De la même manière et avec les mêmes facilités que « l’opposition » partisane qui pullulait. Les maîtres du pays avaient néanmoins mis une limite infranchissable à la fringale de libéralisation. La télévision et la radio restaient le monopole de l'Etat. Parce qu'ils savaient que c'était là leur vrai talent d'Achille. En Algérie, le taux particulièrement élevé de l'analphabétisme, environ 40%, celui très important des femmes au foyer, le faible niveau scolaire d'une grande partie de la population et la propension des Algériens à privilégier la télévision et la radio sont autant de facteurs qui ont pesé sur la stratégie des décideurs. En libéralisant la presse écrite, ils savaient qu'ils faisaient, en fait, une bien maigre concession. D'autant qu'ils prendront des dispositions pour que ce qui allait devenir aux yeux de l'opinion internationale, une liberté de ton inégalée dans les pays Arabes et du Maghreb, ne puisse jamais menacer leur main mise sur le pays.
Un « dispositif de régulation », pour reprendre une terminologie de la sécurité militaire a été mis en œuvre. Les journaux ne pouvaient recourir qu’aux services exclusifs des imprimeries et de la société de diffusion de l’Etat. Pris dans le piège d’une comptabilité approximative et délibérément faussée, les journaux se retrouvent tous pris dans un lourd endettement. Convaincus qu’ils se servaient, à l’instar des classes dirigeantes, au râtelier de la rente généralisée, les patrons de presse mangent leur blé en herbe. Ils accèdent au statut de nouveaux riches. Mais ils se rendent vite compte qu’à la moindre velléité d’indépendance, leurs dettes leur sont brutalement rappelées, alors que leurs avoirs dans la société de distribution ne peuvent leur être réglées du fait d’un contentieux inextricable. C’est ainsi que selon qu’ils soient plus ou moins dociles, les journaux peuvent être absous ou contraints de mettre la clé sous le paillasson. Au nom de prétendues règles commerciales. Aucun journal, du plus petit au plus grand n’a pu se libérer d’un tel carcan. Même lorsque deux journaux privés ont réussi à se doter de leurs propres rotatives, ils ont du faire face à d’autres contraintes, comme le monopole de l’Etat sur le papier ou une foultitude d’autres tracasseries, toutes plus insurmontables les unes que les autres. Les ressources du dispositif de régulation sont ainsi inépuisables.
La manne publicitaire, dont 80% est du monopole de l’Etat joue le rôle de la carotte. Elle est distribuée comme un satisfecit, aux journaux les plus « méritants ». Deux journaux appartenant à un général, très peu lus, ont bénéficié durant une longue période, de commandes publicitaires supérieures à celles des plus grands journaux du pays. Les lois et règlements qui régissent ce monopole de l’état ont connu plusieurs réaménagements, selon la nécessité à exercer plus ou moins de pression.
L’état d’urgence instauré depuis février 1992 vient aussi se combiner à ces mesures et à d’autres encore, plus insidieuses. Il permet en cas de besoin, au nom de la sécurité publique, de prendre toute mesure contre un journal qui oublie de s’autocensurer.Pourtant, de nombreux journalistes ont tenté de briser ce mur qui avait été érigé autour de leur métier. Beaucoup l’ont payé de leur vie. Des suspensions et des saisies se comptent par dizaines en quelques années et montrent bien que la mise au pas ne s’est pas faite sans résistance. Certains journaux ont tenu jusqu’au bout, refusant de plier sous le diktat. Jusqu’à leur mise en faillite et à leur interdiction définitive. C’est le cas admirable du journal La Nation.
Cet hebdomadaire avait adopté une ligne qui était résolument à contre courant des directives de la junte. A une époque où la vie d’un homme n’avait aucune importance, où la violence qui avait atteint un niveau intolérable était devenu un outil de régulation politique. Contrairement à nombre de ses confrères, La Nation condamnait sans ambiguïté la violence d’où qu’elle venait. Ce journal s’était résolument engagé pour le processus de réconciliation et contre les violations des droits de l’homme. Il subira de lourdes conséquences. Suspensions, saisies, intimidations, menaces, violences physiques contre ses journalistes et finalement interdiction de paraître. Il sera surtout abandonné par ses confrères, voire même vilipendé par eux. Mais les journalistes de La Nation traverseront ces années de plomb sans jamais se renier. Après la fermeture de leur journal, certains d’entre eux qui sont restés en Algérie ont rejoint d’autres journaux francophones. Ils ont réussi néanmoins à y imposer une certaine idée de leur métier. Ils ont continué à dire, même si c’est entre les lignes, ce que leur devoir de probité exige d’eux. Comme beaucoup de leurs confrères, ils continuent de résister à leur façon, s’interdisant d’apporter la moindre caution à un régime corrompu. Ceux d’entre eux qui ont quitté le pays continuent d’éclairer l’opinion internationale sur la réalité de leur pays.
La situation des correspondants locaux mérite également d’être éclairée. C’est grâce à RSF que le monde à découvert ce lumpenprolétariat du journalisme. Depuis la mort de Béliardouh et l’incarcération de Ghoul, deux journalistes dont le premier avait été poussé au suicide après avoir été enlevé, séquestré et torturé et le second jeté en prison pour avoir dénoncé des trafics à grande échelle. Les correspondants locaux avaient, jusque là, la mission de traiter à outrance des scandales qui avaient lieu dans l’arrière pays. Notamment sur les multiples réseaux mafieux dirigés par des potentats locaux. Cela donnait le change et contribuait, sans risque pour les journaux et leurs propriétaires, à donner l’illusion d’une presse très critique. Ces parrains du trafic en tout genre avaient bon dos et ne risquaient pas grand-chose de toute façon. Il arrivait même que de temps à autre l’on sacrifie un préfet par ci, un procureur général par là. C’est ainsi, que de façon récurrente, la presse privée fourmillait de révélations sur la mafia du foncier, celle du ciment, celle de la contrebande de cigarettes et autres associations de malfaiteurs. Mais tant va la cruche à l’eau ! Ces affaires juteuses ont fini par allécher des barons du régime. Les correspondants locaux qui traitent de cette matière sont donc devenus dérangeants et par conséquents une cible. Certains l’ont payé de leur vie. D’autres ont été jetés en prison dans des cabales cousues de fil blanc. Ces parents pauvres du journalisme, presque tous pigistes, sont honteusement exploités par leurs journaux respectifs. Les piges les mieux payées ne dépassent pas les mille dinars. Moins de dix euros. Ceux qui ont eu la chance d’être « permanisés » touchent un salaire mensuel qui dépasse rarement le SMIC. Beaucoup en sont réduits à recourir à des pratiques peu recommandables pour arrondir les fins de mois. Certains se laissent approcher par les autorités locales ou par des potentats de province. De diverses manières. Ceux qui continuent d’accomplir leur mission sans se censurer sont mal vus par leurs propres employeurs, puisqu’ils continuent de ne pas respecter l’obligation tacite de « réserve ». De ne pas savoir éviter les sujets dangereux. Ils sont tenus, en effet, de ne pas franchir une « ligne rouge » dont seuls les initiés connaissent les contours. Ils doivent continuer d’alimenter leur journal en révélations sur des mafias de provinces et sur les institutions locales, mais ils doivent prendre garde à ne pas déranger des trafics dont les ficelles sont tirées en haut lieu. Comme le trafic du kif à destination de l’Europe, l’exportation frauduleuse des devises étrangères, la main mise du commerce informel par la GGF (Gendarmerie Garde Frontières), le quasi monopole de prête noms de la junte avec les compagnies pétrolières étrangères dans le Sahara…etc.) Leurs articles sont d’ailleurs souvent revus, voire simplement mis à la corbeille. D’une manière générale, tous les journalistes savent que les informations qui peuvent impliquer les barons du régime ne sont pas publiables.
Aujourd’hui, la presse écrite privée en Algérie est en fin de ressources. En plus d’être lâchée par ceux qui l’ont utilisée, elle a perdu la confiance de son lectorat. En dépit des graves sanctions qui sont exercées contre de nombreux journalistes et des appels à la mobilisation en leur faveur, la société algérienne reste totalement indifférente à leur sort. Le lecteur moyen, désabusé, et qui pendant les années 90 achetait au moins deux journaux par jour, ne lit plus. Il préfère les chaînes de télévision étrangères captées par satellite, françaises et moyen orientales surtout. La mévente a atteint les seuils les plus bas depuis la création de la presse privée et en dépit de la disparition de nombreux titres. Au point où la plupart des journaux n’affichent plus le nombre du tirage dans leur ours. Pourtant, certains écrits continuent de désigner la presse algérienne sous le vocable de quatrième pouvoir et de qualifier l’Armée de « grande muette ». Ce qui est dans l’un et l’autre cas, le comble de la langue de bois.
Djamaldine BENCHENOUF
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La presse algérienne et le procès « Nezzar-Souaïdia »
Ahmed Hanifi, in: Algeria-Watch, Septembre 2002

Notre objet est d'analyser qualitativement les contenus de la presse algérienne traitant directement ou non de ce procès. Nous appelons presse algérienne la presse écrite francophone gouvernementale ou privée, éditée sur papier en Algérie et accessible en France (y compris par ses sites sur Internet). Les écrits d'Algéria-Interface, non édités sur papier en Algérie sont considérés comme relevant de la presse étrangère au même titre que des journaux comme Libération, L'Humanité, Le Parisien ou Le Monde que nous évoquerons.
Pour la seule partie accessible en France de la presse écrite francophone algérienne (Sites sur Internet, Algéria-Interface, papier), nous avons relevé durant la semaine du lundi 01 au dimanche 07 juillet 2002, près de 75 articles traitant du procès ; mais près d'une centaine si l'on ajoute les écrits antérieurs au 01 juillet et postérieurs au 07 juillet.
Il est à préciser que nous observons les journaux comme une totalité, une organisation globale par conséquent et en l'occurrence les signataires d'articles en tant qu'individus importent peu. Des cas antérieurs très précis de rejets simultanés (malgré l'humeur de tel ou tel journaliste de base) par des responsables de presse, d'articles ou bien de communiqués -payants- car « n'entrant pas dans la ligne éditoriale » de leur journal nous ont conduit à cette posture.
La lecture de ces contenus fait apparaître un certain nombre de thèmes dont la redondance ou la pertinence a retenu notre attention. Pour exemple : Comment la presse algérienne « parle » du plaignant Khaled Nezzar ou de l'accusé Habib Souaïdia, des témoins de l'un et de l'autre et de leurs témoignages. Comment elle traite du procès ? D'autres thèmes qui auraient pu intéresser le lectorat de cette presse ne sont pas analysés car ils n'ont pas été « ouverts » par elle : la réaction des partis politiques sur le procès ; l'avis des lecteurs sur le procès ; la question de la censure du livre de Habib Souaïdia, .. ; néanmoins nous commenterons ces silences.

La tenue du procès la première semaine de juillet coïncide avec le 40° anniversaire de l'indépendance de l'Algérie ; avec le début des cycliques rumeurs estivales (avec notamment cette année les sous-entendus concernant « l'affaire » Orascom impliquant la personne du président de la République dans le choix d'un opérateur économique tels que véhiculés principalement part El Watan et Le Matin). Le Quotidien d'Oran du 18/07/02 écrit : « Cet été se terminera comme les autres. Des attentats, des rumeurs, des voix «proches» et «autorisées» dont il faudra se méfier comme de la peste gronderont, des commentaires éclairés continueront de creuser le fossé imaginaire entre l'ANP et M. Bouteflika ». Pour soutenir celui-ci et en réponse aux différentes attaques dont il fait l'objet par une partie de la presse « une association nationale dénommée Mouvement pour la concorde nationale est officiellement créée. Celle-ci, selon ses initiateurs, se fixe pour objectif la promotion du programme du président de la République. » (Le Jeune Indépendant du 13/07/02)
Le procès coïncide avec la commémoration de l'assassinat le 29 juin 1992 du président du Haut comité d'Etat (HCE) qui est une présidence collégiale mise en place 166 jours auparavant et composée de cinq membres : Khaled Nezzar, Mohamed Ali Haroun, Ali Kafi, Tedjini Haddam et Mohamed Boudiaf son président. Le procès coïncide également avec l'installation à La Haye de la Cour pénale internationale (CPI). Le rôle de cette nouvelle institution est de « juger les individus qui ont commis des violations graves du droit humanitaire international et des droits de l'homme » (Le Soir d'Algérie du 01/07/02) quel que soit l'Etat et la « qualité officielle et hiérarchique » de ces individus. Maître Comte le rappellera à Khaled Nezzar lors du procès en ces termes : «En [vous] regardant, je pense à l'Automne du patriarche. Les temps ont changé : de nouveaux instruments internationaux permettent aux suppliciés de se faire entendre et empêchent que la raison d'Etat fasse la loi.» (Libération du 06/07/02) même si « la juridiction de la CPI n'aura pas d'effet rétroactif. Elle ne s'appliquera que sur les crimes qui vont être commis à partir du 01 juillet 2002 » (La Tribune du 01/07/02)

L'ANALYSE DE CONTENU

Entre le lundi 01 et le dimanche 07 juillet nous avons relevé près de 75 titres d'articles traitant directement ou non du procès : les témoins, le rôle de l'armée, la décennie 1992-2002, les médias.
Le premier jour les titres réfèrent aussi bien aux témoins qu'à l'ANP au procès lui-même qu'aux médias. Le deuxième jour la parole est donnée à El Hachemi Chérif : « Livrez à l'opinion les documents en possession des services » dit-il (Le Matin du 02/07/02), manifestement au fait des contenus des documents en possession des « services ». En dehors des témoins au procès, ce responsable politique est le seul (avec des généraux) dont la position à l'égard du procès a fait l'objet d'un article de presse. D'autres titres se rapportent à l'ANP. Le mercredi 03 juillet quatre titres se rapportent à l'armée, quatre autres à l'arrêt du processus électoral. Le jeudi 04 juillet, sur quinze titres, dix sont consacrés à l'ANP et cinq aux témoignages de la veille
Le samedi 06, trois titres concernent Aït Ahmed qui a témoigné le jeudi 04 juillet ainsi que Nacera Dutour et A. Mesbah
Le dimanche 07 enfin nous avons relevé six titres dont celui-ci de Liberté : « Les révélations de Semraoui. »

Le général est nommé « Général-major à la retraite » (Le Jeune indépendant du 02/07/02), « ancien ministre de la Défense (1990-1993) » (Le Matin du 01/07/02) « Général à la retraite » (El Watan du 02/07/02) , qui « assume individuellement [ce procès] » (Le Soir du 02/07/02), et qui a « provoqué volontairement et voulu (.) un débat »(El Watan du 02/07/02) ,et auquel « il faut reconnaître un courage politique rarissime, pour ne pas dire inédit dans les us et coutumes des hommes forts du système (.) lui qui « semble jouer sur du velours » (El Watan du 08/07/02). Un homme «serein, direct, percutant, sans hésitation (.) d'un courage exemplaire » (El Moudjahid du 02/07/02).
La presse algérienne ne regrette pas que le régime ait intenté un procès « pour laver son honneur », mais ne comprend pas qu'il ait d'une part mal choisi sa cible (« un soldat banni ») et d'autre part d'avoir délégué ce général là dont « il est sûr aujourd'hui qu'il n'a pas inventé la poudre ». (L'Expression du 13/07/02).

Comment la presse algérienne « parle » de Habib Souaïdia ? Si pour Khaled Nezzar la presse est prudente, tantôt le soutenant tantôt le critiquant, pour Habib Souaïdia sa réaction est plus abrupte, arrêtée, unanime et définitive quelle que peut être l'évolution du procès. Habib Souaïdia est franchement condamné par la presse algérienne publique ou « indépendante ».
Deux exceptions à ce tollé, ce soulèvement. Le Matin qui paraît plus sobre en ce premier jour du procès : « Habib Souaïdia, ancien parachutiste de l'armée algérienne » (Le Matin du 01/07/02) ou bien La Tribune du 02/07/02, qui écrit : « Alerte, tantôt serein, tantôt ému, parfois nerveux, Souaïdia raconte sa vie de militaire, sa condamnation à 4 ans de prison en 1995, son arrivée en France et les circonstances de la publication de son livre ». Ces exceptions confirment justement tout le reste. El Watan du 02/07/02, qui trouve dans un premier temps que Habib Souaïdia « semble avoir bien travaillé ses réparties » se ressaisit pour immédiatement relativiser « mais perd toutefois de cette assurance lorsque les questions (.) deviennent plus précises », « Souaïdia fait de grands efforts pour cacher son faible niveau intellectuel » (L'Expression du 02/07/02), lui « qui a voulu à sa manière cracher la contradiction » (Le Quotidien d'Oran du 02/07/02).
« Il faudrait une plongée spéléologique dans les fausses de son âme pour discerner la haine et la rancœur, la vengeance et le ressentiment » (El Moudjahid du 06/07/02) de « ce malfrat » (Le Soir d'Algérie du 02/07/02) de ce « faux (pseudo) auteur de La sale guerre (.) cet ancien voleur de pièces automobile » (La Nouvelle République du 01/07/02). de cet « Officier radié après avoir été dégradé à la suite de sa condamnation (.) pour vol » (El Moudjahid du 01/07/02) .
Comment la presse algérienne décrit les témoins, les avocats, de Khaled Nezzar ou de Habib Souaïdia. Comment elle « parle » d'eux et de leurs arguments ? Qui dit quoi ?
La presse ségrégue les témoins en deux camps étanches. Le premier est constitué de « témoins du drame, venus de Bentalha », des témoins « factuels » (El Watan du 02/07/02), « Des témoins factuels, soit des victimes des islamistes armés, soit des personnalités algériennes qui ont eu à occuper de hautes fonctions dans l'Etat » (Le Matin du 01/07/02). A ces témoins « haut de gamme » (L'expression du 06/07/02) et « en béton » (El Moudjahid du 01/07/02), font face du « côté adverse des témoins (.) qui se sont retirés de peur d'être confondus. (.) Il semble qu'ils ne se bousculent pas » (El Moudjahid du 01/07/02). Les «"témoignages" » [de ces] « "témoins" », double guillemets insérés par El- Moudjahid des 01 et 08/07/02 sont liés par « Un dénominateur (.) : aigris, ils ont tous une dent contre l'Algérie » défendue par Khaled Nezzar.
Lorsqu'elle évoque les témoins à charge, la presse algérienne associe leur nom à des symboles positifs ou les fait suivre de qualificatifs valorisants et utilise l'affect ; « des visages inondés de larmes » (El Moudjahid du 04/07/02) mais lorsque cette même presse évoque les témoins de la partie « adverse », c'est l'inverse qui se produit jusqu'à égratigner ou ignorer leur nom ou bien taire leur titre.

LES TEMOIGNAGES
La presse algérienne s'élève violemment contre les médias français , cette « machine médiatique française », « si friande de ces joutes suicidaires algéro-algériennes » qui use de « ruses, astuces, allégations, désinformations et intox » . La presse algérienne dénonce cette presse française pour sa partialité ; en l'occurrence à propos de ce procès qui a permis « un débat qui n'a jamais été possible dans les médias »
(Lire en rubrique : Les médias étrangers)
La presse algérienne s'enthousiasme d'un débat au sein du tribunal correctionnel de Paris, débat qu'elle ne reproduit pas. D'une part elle cite très largement les témoignages de la partie civile, d'autre part elle fait silence sur les témoignages de la partie adverse ou les réduits
Nous avons relevé l'ensemble des « dires » de Khaled Nezzar et de ses témoins et avocats ainsi que ceux de Habib Souaïdia de ses témoins et avocats parus dans la presse algérienne entre le 01 au 07 juillet.
L'ensemble des témoignages reproduits par la presse s'élève à 11377 mots (ou 64854 caractères)
Le constat est accablant : La totalité des interventions de Khaled Nezzar, de ses avocats et de ses témoins telles que reprises par la presse algérienne du 01 au 07 juillet 2002, représente : 8961 mots soit 51082 caractères.
La totalité des dires de Habib Souaïdia, de ses avocats et de ses témoins représente elle 2416 mots soit 13772 caractères.
Exprimé autrement cela donne ceci : La surface des dires de Khaled Nezzar et ses témoins et avocats représente 78,76% de l'espace total, quant à celle de Habib Souaïdia, de ses avocats et témoins elle est donc de 21,24%. La presse algérienne a étouffé la parole « adverse », celle qui ne confortait pas « les lignes éditoriales globales »
Il y a lieu de préciser ce qui suit : La presse a reproduit les paroles de Habib Souaïdia, de ses avocats et celles de huit de ses témoins contre treize pour la partie civile. Mis bout à bout ces (fragments de) témoignages de la partie civile tels que repris par La Nouvelle République représentent 12000 caractères (11000 pour El Moudjahid). La Nouvelle République à presque totalement ignoré les témoignages adverses.

Nous traitons ci-après de deux cas particulièrement « parlant » de types de témoignages escamotés par la presse algérienne : Le témoignage de Mosbah, et ceux de la journée du 03 juillet.
LE CAS MEHDI MOSBAH : Sur ces 40 jours de torture, 10 ont quitté ma mémoire, Nezzar me les doit. C'est dur de naître algérien
Le cas de Mosbah (Abderrahmane/Mehdi) est assez révélateur. Hormis Liberté (du 06/07/02) le nom de Mosbah ne figure quasiment nulle part dans la presse algérienne. Il est seulement cité comme un des témoins par L'Expression du 02/07/02 et El-Moudjahid du même jour qui ajoute après le nom de Mosbah un point significatif d'interrogation. Son nom apparaît aussi incidemment dans Le Matin du 14/07/02 qui fait parler L. Benmansour : « Je n'aurais pas écrit ces lignes (.) si lors des témoignages sur la torture par un jeune homme qui m'a brisé le cour, il n'avait pas prononcé cette phrase (.) Je l'ai croisé à la cafétéria du tribunal et je lui ai dit : " Mon fils, vous m'avez brisé le cour " » . Ce journal parle de Mosbah mais les mots de Mosbah sont absents. Nous reproduisons ce qu'a écrit Liberté et complétons par ce que la presse étrangère (française) a rapporté.
« Mehdi Mosbah est dans le "camp" de Habib Souaïdia. Ancien étudiant à l'Institut des études islamiques à Alger, il livre un témoignage bouleversant. Arrêté pendant 40 jours dans les locaux de la gendarmerie, il subit la torture. "J'étouffais. Je me débattais comme un chien. Je cherchais la mort (.) J'ai été sodomisé. J'ai crié Maman putain parce que quand une maman vous met au monde pour. ça." Le jeune homme doit son salut aux connaissances de son père, haut magistrat. "Si mon père ne m'avait pas mis un visa pour la France dans la poche, j'aurais pris les armes aussi", dit-il. Lorsque l'avocat de Khaled Nezzar lui demande pourquoi il témoigne pour Habib Souaïdia, Mehdi Mosbah a sa réponse : "Il aurait pu être mon tortionnaire mais lui a eu le courage de dénoncer (.). La seule chose qui me choque c'est que ce soit Souaïdia dans le box et pas le général Nezzar. Il est venu blanchir ses compères et chercher sa feuille de route pour les dix prochaines années." Khaled Nezzar écoute et ne bronche pas. »
Le commentaire du journal sur ce point est quelconque mais voici ce que ce journal ne rapporte pas :
« Abderahmane Mosbah (.) torturé par onze hommes (.) il était quotidiennement forcé à garder au fond de la gorge un chiffon constamment imbibé d'eau. "On vous le met dans la bouche et on verse de l'eau. (.). C'est comme si on coulait. L'eau vous rentre de partout dans les narines, dans la gorge, dans les poumons, jusqu'à l'évanouissement. (.). Sur ces quarante jours, dix ont quitté la mémoire. Nezzar me les doit" (.), puis [il raconte] son séjour dans les camps de détention du sud saharien, la chaleur, le froid, la faim, les maladies, les insultes, les coups, les humiliations. "Ces gens là sont nuisibles à l'environnement humain de la planète", a-t-il déclaré en désignant le général Nezzar. » (Bulletin de la FIDH : juillet 2002)
« Abdelramane Mosbah. jure n'avoir "jamais été dans un groupe terroriste", a pourtant été arrêté et torturé par l'armée en 1992, sans procès, dans un bâtiment "face à l'état-major des forces armées" (.). J'e n'aurais jamais cru que j'allais vivre, avoir un jour une femme, des enfants", a crié le jeune homme, incapable de ralentir le flot de paroles qui le submerge. Fils d'un haut responsable de la magistrature algérienne, Abdelramane Mosbah dit avoir eu "de la chance" : il a été finalement libéré. (.) Torturé à maintes reprises par les militaires. "J'ai passé quarante jours au cachot dans le noir absolu. (.) Je veux savoir (.) C'est dur de naître algérien". » (Le Monde des 04 et 05/0/02)
« Mosbah est, "d'une famille où on s'en sortait", un père haut magistrat, des proches dans l'armée. Bref, ce que l'Algérie appelle "les réseaux". raflé devant l'université. "Je pensais m'en tirer. J'ai glissé le nom de mon père, de hauts gradés. Normalement, ça suffit. Là, ils m'ont dit : on a des ordres. Et je me suis retrouvé dans le trou, avec le bas peuple." Les camps de déportation, les cachots (.) "J'avais les épaules larges comme on dit. Du piston." Dehors, il voit ce qu'il ne voyait pas avant. "La corruption brutale, étalée, onze jeunes raflés et fusillés en bas de chez moi parce qu'un officier avait été tué, mes copains d'enfance qui devenaient fous. Aucun avenir quand on n'a pas une famille derrière. Certains devenaient islamistes, rien que pour faire peur à ce pouvoir installé depuis trente ans. Ma génération, c'est celle de la révolte." Un jour, il croise le petit Saïd. Il lui dit : "Ils m'ont torturé. J'ai donné des noms, n'importe lesquels. Mais je te jure, pas le tien. Je monte au maquis. Ils m'ont pris une fois pour rien. Là, au moins, je mourrais pour quelque chose." (Libération du 05/07/02)
« Son seul tort: compter des islamistes parmi ses relations. La trentaine élancée, réfugié politique en France depuis l'été 1995, Abderahmane Mesbah a raconté dans un français parfait les conditions de détention dans les camps du sud algériens: la chaleur, le froid , la faim, la maladie, les insultes, les coups et les humiliations. Détenu pendant 40 jours à la brigade de gendarmerie de Aïn Naâdja, près d'Alger, il a expliqué devant une assistance pétrifiée le «supplice du chiffon» » (Algéria Interface du 05/07/02)
La presse fait silence sur des témoignages comme celui de Mosbah, mais cela n'est pas nouveau. Durant plusieurs années elle s'est tu sur les milliers de « disparus » (Khaled Nezzar déclara au procès : « 15000 disparus, passons. », Libération du 04/07/02). La presse a fini par céder car la question a pris d'énormes proportions grâce à la ténacité des mères des « disparus », ces mères courage nos «locas de la Plaza de mayo», grâce au soutien d'associations, notamment de la LADDH de Maître Ali Yahia Abdennour, des ONG internationales (FIDH, AI.) ainsi qu'au travail d'information de la presse internationale. Un autre exemple : les activités de la fédération d'Oran du FFS, parti pacifique d'opposition radicale au régime, ont été de nombreuses années durant (1990 et plus) frappées d'ostracisme. Ce « parti des Kabyles » devait être contenu en Kabylie.

LES TEMOIGNAGES DU MERCREDI DU 03 JUILLET
Ce 04 juillet la presse a réservé de grands espaces à l'ANP. Ce qu'elle aurait pu faire le mercredi 03 (la conférence de presse de Lamari ayant eu lieu le mardi 02, et El Watan commet une « erreur » lorsqu'il écrit dans son édition du 04 juillet que la conférence eu lieu « hier »). La surface réservée à l'ANP est donc telle en ce 04 juillet que les déclarations de Samraoui, Benderra et Chevillard ne sont pas retenues. Mais le manque d'espace n'est pas la réelle raison du silence. Il y a lieu de préciser que les interventions des témoins ci-dessous ont souvent trait à des sujets extrêmement sensibles que l'histoire récente de l'Algérie nous montre qu'ils ne sont pas abordés sinon sous très haute surveillance ou bien dans le cadre d'affaires subalternes ou de seconds couteaux.
Voici tout ce que rapporte la presse algérienne des témoignages de la défense de la journée du 03 juillet 2002 : Comme nous l'avons fait pour le témoignage de Mehdi Mosbah, nous ajoutons ici les témoignages tels que parus dans la presse étrangère (essentiellement française).

MOHAMED SAMRAOUI: Empêcher le FIS de parvenir au pouvoir par tous les moyens.
Tout ce qu' écrit la presse algérienne:
« Mohamed Samraoui, (.) se présente comme ayant été l'adjoint du responsable du contre-espionnage au service de recherche. «Notre objectif était d'empêcher le FIS de prendre le pouvoir par tous les moyens, d'infiltrer les groupes extrémistes. (.) Il fallait faire imploser le FIS de l'intérieur.» «On avait attiré l'attention du commandement pour reporter les élections. On savait que le FIS allait vaincre.» «Ils (les responsables) pensaient arriver à diviser le FIS qui sortirait affaibli des élections. 17 éléments salafistes du FIS étaient proches du pouvoir.» Il affirme que les GIA sont une création des services. «J'ai vu Chabouti circuler à bord d'un véhicule appartenant à nos services.» (.) «Ils nous demandaient d'un côté de lutter contre les intégristes et de l'autre côté ils les relâchaient. (.) J'ai personnellement entamé un travail d'approche avec le FIS pour atténuer la violence.» [Sur l'époque du « double jeu »] Samraoui : «C'est vrai que c'était du temps de Hamrouche.» » (El Watan, jeudi 4 juillet 2002)
« [Samraoui déclare] avoir «refusé de servir de bouc émissaire» (.) «le GIA est une création des services de sécurité» ; (.) assure «n'avoir pas compris pourquoi il y avait, d'un côté, la lutte contre les intégristes et, de l'autre, un dialogue avec les mêmes intégristes». (.) «les services secrets algériens étaient les premiers à avoir pris conscience du danger islamiste» ». (La Tribune, jeudi 4 juillet 2002)
« Samraoui [dit à propos des infiltrations] du FIS. « Nous avons réussi à avoir "nos représentants" à la direction du FIS » », (Le Soir d'Algérie, jeudi 4 juillet 2002)
« Mohamed Samraoui (.) raconte « les infiltrations » , [il] explique que l'objectif des infiltrations étaient « de corser le FIS en lui attribuant des actions ». Il affirme que « les militaires ont commencé à l'époque à arrêter à tort et à travers des gens qui n'avaient rien à voir avec le FIS, rien à voir avec les islamistes rien à voir avec les actions violentes ». (.) Certaines personnes arrêtées par les forces de l'ordre « subissaient des tortures » ». (Liberté, jeudi 4 juillet 2002)
« Mohamed Samraoui s'appliquera à accabler l'armée (.) Selon lui, « c'est en France, que les militaires algériens ont des possibilités d'organiser des assassinats » « Dans quelles circonstances, avez-vous été interpellé par votre conscience ? », l'interpellera le président . « C'est à la suite de ma fin de fonctions en Allemagne. On m'a téléphoné d'Alger pour me signifier que j'avais quatre jours pour rentrer. » ».( El Moudjahid, jeudi 4 juillet 2002)
« Dans un entretien accordé au site algérien Algeria-Interface, l'ancien colonel du DRS, Mohamed Semraoui, révèle avoir refusé d'exécuter deux missions qui auraient été commanditées par sa hiérarchie. "En 1990, j'ai refusé de participer à un coup monté contre l'ancien président Ahmed Ben Bella." Cette affaire, dit-il, visait à déstabiliser le gouvernement Hamrouche... "En 1996, je me suis opposé à l'assassinat de dirigeants du FIS en Allemagne : Rabah Kébir et Abdelkader Sahraoui." Ce dernier a été assassiné à Paris » [Sic] (Liberté du 07 juillet 2002)
« Mohamed Samraoui, (.) a témoigné des « infiltrations » (.) Il a expliqué que le but de celles-ci [les infiltrations] étaient [Sic - La même phrase et la même faute que Liberté du même jour] de « casser le Front islamique armé (FIS) en leur[lui] attribuant des actions ». Il a également raconté que les militaires ont commencé à l'époque à « arrêter à tort et à travers des gens qui n'avaient rien à voir avec le FIS, rien à voir avec les islamistes, rien à voir avec les actions violentes ». (.) « L'ordre des exécutions venait du général Lamari. L'ouvrage de Habib Souaïdia dit la vérité. » »(Le Matin, jeudi 4 juillet 2002)
Lorsque Khaled Nezzar reconnaît que « les services » ont infiltré les islamistes, Le Matin (04/07/02) écrit : « Face à ce témoignage, le général Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense, qui est à l'origine de ce procès a répondu : "Les infiltrations, c'est un travail de tous les services !" » ; mais lorsqu'en 1995 Jacques Vergès évoque ces infiltrations (en des termes durs) voici ce qu'écrivit alors Le Matin (du 19/09/1995, cité par El Hadi Chalabi, La presse algérienne au-dessus de tout soupçon. Edition : Ina-Yas, 1999) : « Incriminer les "services algériens" d'avoir des hommes à eux parmi les terroristes ne représente qu'un argument de force utilisé par cet avocat pour discréditer l'Etat algérien (.) n'oublions pas l'origine asiatique de cet avocat ! »

Extraits de ce qu' écrit la presse étrangère:
« La charge est venue d'un capitaine (.). Mohammed Samraoui. [La mission qui lui était assignée :] "Barrer la route du pouvoir au FIS [Front islamique du salut] par tous les moyens." (.) Les Algériens formés en Afghanistan, on les pistait,(.). On connaissait tous les noms. On a arrêté des gens à tort et à travers, mais pas eux, car on en avait besoin pour créer des organisations terroristes. Le GIA, c'est la création des services de sécurité. On voulait radicaliser le mouvement islamiste. Mais, par la suite, on n'a plus maîtrisé ces groupes. C'était la pagaille" "Je lui [le patron des services de sécurité] ai dit qu'on n'était pas en France, qu'on ne pourrait pas agir en toute impunité. Nous avons lutté contre le terrorisme en utilisant ses méthodes", (.) [Un récit fait sur un ton sobre pour] "défendre l'honneur de l'armée" » (Le Monde, édition du 05 juillet 2002)
« Mohamed Samraoui : Pendant la campagne des législatives à l'automne 1991,(.) . «Nous avons commencé à nous occuper exclusivement de la lutte contre l'intégrisme»,(.) . «Notre mission était de le faire imploser par tous les moyens, chantage, Corruption, menaces»,(.) «Les actions violentes n'avaient pas commencé. Nous avions établi la liste des personnes les plus dangereuses et demandé leur arrestation. En vain : on avait besoin d'eux pour créer des groupes terroristes. A la place, on a arrêté à tort et à travers. On cherchait à radicaliser le mouvement.» (.) «On commençait par infiltrer les noyaux des mouvements armés. Puis cela a pris une telle proportion qu'on ne savait plus qui était qui. Plus personne ne parvenait à contrôler tous ces groupes. Nous avons lutté contre le terrorisme avec des méthodes de terroristes. Ce n'était pas une tolérance, mais une méthode de travail. Sinon on n'aurait jamais atteint les 200 000 morts.» Quand Lamari lui demande de préparer l'exécution de deux chefs du FIS en Allemagne. «Nous sommes en Allemagne et pas en France, où vous avez des amitiés... En plus, je ne voulais pas servir de bouc émissaire en cas de pépin.» » (Libération samedi 06 juillet 2002)
« L'officier Samraoui : Dès 1991, « nous avions fait la liste de 1100 islamistes dangereux. Aucun d'entre eux n'a été arrêté, mais des milliers de gens l'ont été à tort et à travers. Torturés, exécutés. «Notre mission était de casser le FIS, l'infiltrer, le disloquer, attribuer des actions violentes aux islamistes. On cherchait à radicaliser le mouvement.» Puis il y eut «des infiltrations, la création de faux groupes». (.) Le GIA est une création des services de sécurité algériens (.) violence et manipulation» [étaient une tactique du pouvoir]. «Tous les officiers qui se sont opposés au général Lamari ont été abattus par les GIA, tous ceux qui en étaient proches n'ont pas eu une égratignure. Ceux qui revenaient d'Afghanistan, on les connaissait. Ils prenaient tous le même vol par Tunis, 50 % moins cher. Dès qu'ils atterrissaient à Alger, ils étaient pris en main. Ce n'était pas une tolérance, mais une méthode de travail (.) Mais les assassinats quand même, mon général...» [En réponse au général qui a dit : « Les infiltrations et les coups de Jarnac, c'est partout.»] » (Libération, 04 juillet 2002)
« Mohamed Samraoui, (.) « Notre mission, martèle ce dernier, était de casser le FIS, l'infiltrer, le disloquer. D'ailleurs le GIA (Groupe islamiste armé. NDLR) est une création des services de sécurité algériens ». [Et lorsque le général dit « le GIA, émanation des services, alors ça non »] Semraoui s'exclame : « Mais les assassinats quand même, mon général ! » » (Le Figaro, 06 juillet 2002 )
« « Le GIA (Groupe islamique armé) c'est la création des services de sécurité », est ainsi venu dire, (.) Mohamed Samraoui (.) l'armée avait « infiltré » les groupes islamistes pour les manipuler. Ce travail, qui revenait notamment, à « créer la division », « amadouer » ou « corrompre » les islamistes était destiné à « casser le FIS (Front islamique de salut) en leur attribuant des actions ». Selon lui, parallèlement, l'armée a « arrêté à tort et à travers des gens qui n'avaient rien à voir avec le FIS, rien à voir avec les islamistes, rien à voir avec les actions violentes », dans le but de terroriser les populations civiles ». (AFP,06 juillet 2002)
« Mohamed Samraoui raconte (.) L'objectif, dès 1990, est d' « empêcher que le FIS prenne le pouvoir, par tous les moyens ». « Nous avons infiltré les mouvements déjà existants et créé des groupuscules », jure-t-il. « Il fallait casser le FIS en lui attribuant des actions impliquant des islamistes » [Samraoui] fait état d' « opérations illégales, enlèvements, arrestations, déportations, tortures, exécutions sommaires ». « Des Afghans (.), les plus dangereux, n'étaient pas arrêtés, bien que parfaitement repérés. On avait besoin d'eux » Samraoui a quitté l'armée le jour où, alors qu'il était posté en Allemagne, « le général Smaïn Lamari lui a demandé d'assassiner deux opposants, dont Rabah Kebir » ». (Le Parisien, 04 juillet 2002)
« Mohamed Samraoui (.) « On avait crée des groupes, on avait infiltré. On se retrouvait avec des vrais groupes et des faux groupes. A un moment, l'armée ne maîtrisait plus la situation. Elle ne savait plus qui était avec qui ». M Samraoui, (.) a ajouté que les militaires avaient arrêté « à tort et à travers des gens qui n'avaient rien à voir avec le FIS, rien à voir avec les islamistes, rien à voir avec les violences » ». (AP, 03 juillet 2002)
« L'ex-colonel Mohamed Samraoui, (.) raconte qu'à partir de novembre 1990 l'armée a commencé à « infiltrer » le FIS Ce travail (.) revenait notamment à « créer la division », « amadouer » ou « corrompre » les islamistes, poursuit le militaire. Le but: « casser le FIS en leur [lui] attribuant des actions ». (.) « On avait créé des groupes, on avait infiltré et on se retrouvait avec des vrais et des faux groupes. A un moment l'armée ne maîtrisait plus la situation. Elle ne savait plus qui était avec qui, qui était ami, qui était ennemi », raconte-t-il. (.) L'armée a « arrêté à tort et à travers des gens qui n'avaient rien à voir avec le FIS, rien à voir avec les islamistes, rien à voir avec les actions violentes », (.) . « C'est à ce moment que j'ai commencé à penser que l'on cherchait à radicaliser l'islamisme ». Samraoui raconte qu'en 1994 le général Smaïn Lamari est venu le voir pour lui demander « de coordonner l'assassinat de deux opposants » ». (AFP, 03 juillet 2002 )
« Mohamed Samraoui enfonce le clou. (.) «Notre mission était d'empêcher le FIS de parvenir au pouvoir, par tous les moyens.» (.) [Il reproche au commandement de l'armée de] «combattre le terrorisme avec les méthodes du terrorisme.» La torture, les exécutions extrajudiciaires, les enlèvements sont «une méthode de travail ordonnée par Smain Lamari», a-t-il affirmé ». (Algeria-Interface, 05 juillet 2002)

OMAR BENDERRA: Le secteur d'importation s'alloue de façon médiévale à des familles du pouvoir.

Tout ce qu' écrit la presse algérienne:

Quasiment aucun article n'évoque l'intervention de Omar Benderra.
« L'un des avocats de la défense (.) tend la perche [à Omar Benderra] : « Comment avez-vous vécu la corruption en Algérie ? » Benderra répond : « Parmi les 200 généraux, il y en a cinq qui ont le monopole du blanchiment d'argent » « Y en a-t-il un parmi ces cinq généraux, ici présent dans la salle », insiste le même défenseur. Benderra répond : « Oui » » (El Moudjahid, 09 juillet 2002)
Extrait de ce qu' écrit la presse étrangère:
« Ce «bunker au pouvoir absolu» se déchire (.) «Des rapports de force permanents, incestueux, où se mêlent rivalité et complicité», explique l'économiste Omar Benderra. (Libération samedi 06 juillet 2002)
Omar Benderra, (.). «Clé de voûte, le pétrole permet de faire l'impasse sur la production. Ne reste plus que le secteur des importations, qui s'alloue de façon médiévale à des familles du pouvoir, sans aucun bilan : à l'un les céréales, à l'autre le sucre. 30 à 40 généraux sont autorisés à faire des affaires. 4 ou 5 sont les grands détenteurs financiers.» Un avocat de la défense : «Y rangez-vous Nezzar ?» Omar Benderra : «Incontestablement.», Nezzar [hurle] tous les grands projets auxquels il s'est opposé. «Et qui ne sont donc pas réalisés.» Comme s'il fallait une preuve du contrôle de l'économie par les généraux ». [Nous soulignons] (Libération jeudi, 04 juillet 2002)
« Omar Bendera, (.) accuse : « Cinq ou six généraux détiennent la réalité du pouvoir » économique et politique. Nezzar est-il l'un d'eux ? « Indubitablement ! » » (Le Parisien - jeudi 04 juillet 2002)
« Pour Omar Benderra, «l'interruption du second tour des élections en 1992 a provoqué l'arrêt du processus économique d'ouverture vers l'extérieur, avec des réformes qui refusaient alors les injonctions du FMI.» Ce programme abandonné, il n'en restera que «la gestion de la dette, puis plus rien.» Cela entraîne la faillite du pays, soit «l'arrêt de la machine économique, l'assèchement des réserves de changes et l'appauvrissement des couches populaires les plus fragiles.» (.) Parce que «le système de pouvoir est un système de privilèges, et ses responsables allouent de façon régalienne une partie de la rente économique à leur clientèle. (.) De nouveaux groupes [entreprises] apparaissent spontanément, sans que l'on puisse connaître l'origine de leurs fonds, comme cela, à partir de rien.» (.) « Incontestablement les puissances d'argent ne doivent leur situation qu'à la proximité avec César, le pouvoir militaire, plus exactement une partie du corps dirigeant de l'armée. Les clans militaires ont la mainmise sur les réseaux d'affaires et l'on peut déduire cela de l'observation du milieu, car il est difficile d'apporter des preuves matérielles. Cependant, si l'on se reporte aux profils des cadres nommés à des postes sensibles, on peut voir la chaîne de commandement.(.) La situation économique est évaluée par le FMI, la Banque mondiale et, au niveau interne, encore pour quelques temps, par le Conseil économique et social, que l'on veut affaiblir, car il dérange. Ce sont ceux qui ont confisqué les richesses qui disent vouloir rétablir la démocratie, il s'agit là d'un double langage (.) Ils se croient dépositaires exclusifs de la légitimité. Ils cherchent à pérenniser leur situation, et la gestion de la question kabyle le montre, mais elle est moins vendable que celle des islamistes. Ils ne savent gérer que de manière sécuritaire, néo-coloniale, violente. Le pétrole est la clé de voûte du système, il permet de faire l'impasse sur la production économique.» » (Algeria-Interface, 05 juillet 2002)

GHAZI HIDOUCI: On m'a présenté comme un agent de l'étranger

Tout ce qu' écrit la presse algérienne:

« Ghazi Hidouci (.) Interrogé, il répond ainsi : « Nous n'avons jamais été soumis à des instructions ou à des pressions quelconques de l'armée » « Que pensez-vous de Souaïdia ? » [lui demande l'avocat de celui-ci], « Il a l'âge de mon gosse. Il aurait dû aller à la plage au lieu d'écrire un pareil livre » (El Moudjahid, le 9 juillet 2002)
Extrait de ce qu' écrit la presse étrangère:
« Ghazi Hidouci (.) affirme être arrivé au gouvernement pour «appliquer des lois mises au point auparavant.» (.) «On m'a présenté alors comme un agent de l'étranger et l'on a même dit que ma mère était juive. (.) On sentait que notre contrat se réduisait chaque jour. Nous avons discuté jusqu'en février 1991 pour aboutir à un désaccord. En juin, nous constatons l'échec, je pars alors en France. (.) Au sein de la classe politique, il y avait peu de partisans des réformes, des réformes finalement réduites à une ouverture «façon mesquine, comme en Orient, avec des possibilités de faire des affaires de façon ancienne, non capitaliste.» (.) [Hidouci] s'adresse à Habib Souaïdia: «Je suis peiné de voir un officier de l'armée algérienne mêlé à des histoires dégoûtantes et atroces. Il a l'âge de mon fils et j'aurais voulu qu'il ne connaisse pas cela.» (Algéria Interface, 05/07/02)

NICOLE CHEVILLARD: Les véritables dirigeants sont les militaires

Tout ce qu' écrit la presse algérienne:

Comme pour Omar Benderra, la presse algérienne ne rapporte rien sur l'intervention de Nicole Chevillard.
« Aujourd'hui, c'était le tour de (.) Nicole CHEVILLARD, rédactrice en chef du magazine économique Nord-Sud Export du groupe Le Monde. Du côté de la partie civile. ». (Le Soir du 04/07/02)
Extrait de ce qu' écrit la presse étrangère:
« Le constat [de Nicole Chevillard] sur l'Algérie, est implacable : « Les dirigeants étaient au sein de la hiérarchie militaire. Les cercles du pouvoir entretiennent des rapports de force, et sous des changements de façade, les choses restent dans la continuité. » Ainsi, quand le président Chadli a été « démissionné » , les « trois généraux majors étaient d'accord » » (Le Parisien du 04/07/02)
« Nicole Chevillard, analyse les risques-pays (.) Concernant l'Algérie, son travail, (.) a permis d'analyser la nature du pouvoir algérien. (.) Les «véritables dirigeants sont les militaires, ce n'est pas là une originalité de notre analyse. C'est une constante historique de l'Algérie», affirme-t-elle. (.) «Plusieurs tentatives de combler le vide du pouvoir ont été essayées. On retrouve toujours en position dominante Nezzar, Belkheir. » (Algeria-Interface, 05 juillet 2002)

JOSE GARCON : Le statu quo n'est pas tenable

Tout ce qu' écrit la presse algérienne:

« Mme José Garçon, (.) tonne : « Le statu quo n'est pas tenable. » (.) « Les revendications du GIA me font sourire. 70 % des massacres du GIA sont partis des services secrets algériens ». (Le Matin du 4 juillet 2002)
« José Garçon (.) raconte qu'elle a eu une « découverte brutale du pouvoir algérien » (.) [sa nature] est avant tout « violente et sauvage ». (.) Elle a même suggéré [de] « laisser le FIS gouverner et intervenir après s'il le faut ». (.) [sur la revendication du GIA] José Garçon dira : « Cela me fait sourire. » » (Le Soir d'Algerie, 4 juillet 2002)

LE PROCES

Dès l'ouverture du procès des journaux indiquent qu'il « sera pendant cinq jours une tribune pour un débat contradictoire sur l'Algérie de ces dix dernières années ». (El Watan du 02/07/02) ; un « procès d'ores et déjà politique » (Le Matin du 01/07/02) , « un procès extraordinaire » (Liberté du 02/07/02) , où « l'Algérie défend l'honneur de son armée » D'ailleurs « une victoire de Nezzar, de l'Armée algérienne donc [Donc !] (.) constituerait une charge symbolique inouïe » (Le Quotidien d'Oran du 04/07/02)
Le 02 juillet Le Soir d'Algérie trouve que ce procès est celui du « "qui-tue-qui" (.), une affaire hautement politique (.) un autre combat contre le terrorisme » mais il trouve aussi - le même jour - qu'il est « une grande supercherie ». Le Matin du même jour approuve : « un pamphlet contre la souveraineté de l'Etat ».
D'autres quotidiens regrettent que le procès se déroule en France. « Un procès algéro-algérien tenu dans la capitale française » (Liberté du 01/07/02), « L'Algérie se met en procès chez l'ancien colonisateur » (Le Quotidien d'Oran du 04/07/02). Sur cette question la presse est restée timorée lorsqu'on se rappelle la quantité d'articles, les volées de bois verts, les « fleuves » d'encre noire qui ont suivi les demandes de l'opposition pour que des observateurs de l'ONU enquêtent sur la situation dramatique du pays et d'en fixer les responsabilités ce qui est moins grave que de « se mettre en procès chez l'ancien colonisateur ». Ce silence est aujourd'hui lourd de signification.
Après le procès, Horizons écrit (08/07/02) : « Le procès (.) cette "scène d'exorcisme" (.) se meut inexorablement en procès d'une vision aliénante et légitimante du terrorisme. Au banc des accusés : l'alliance contre nature de feu Sant'Egidio. », tandis que pour le Quotidien d'Oran (18/07/02) le procès « a été irréversiblement dévié »
« Le procès (.) a laissé au sein d'une large partie de l'opinion un goût amer » (El Watan du 08/07/02) , mais, relativise Le Matin (02/07/02) « les questions posées par le juge à Nezzar ne sont pas dénuées d'impartialité » et « L'opinion publique retiendra la partialité du juge ». (07/07/02) ; pour ajouter qu'en définitive le procès « fut un coup réussi pour l'armée : l'abcès est crevé . Les militaires algériens se sont expliqués » (Le Matin du 11/07/02). Selon ce journal la demande de Lamari est exhaussée puisque c'est ce qu'il demandait : « Avec Nezzar, c'est un procès qui va aller au delà de la diffamation. Qu'on crève l'abcès définitivement » (El-Moudjahid du 03/07/02). C'est bien se qu'avait compris Libération (du 01/07/02) : « Parce qu'il est le plus impulsif d'entre eux, ou poussé par certains de ses pairs, Khaled Nezzar a visiblement décidé de crever l'abcès. Et d'utiliser ce procès en diffamation pour absoudre une fois pour toutes le haut commandement militaire de toutes les accusations portées contre lui »
LES ENNEMIS
Durant les années de plomb (à l'exemple du bloc communiste dont elle louait le modèle) à la moindre montée de fièvre la presse algérienne montrait d'un seul doigt « les ennemis intérieurs et extérieurs de la Révolution ». Aujourd'hui (par la grâce d'une circulaire - N° 04/90 du 19 mars 1990 - de monsieur Mouloud Hamrouche premier ministre de Chadli Bendjedid) aux côtés de journaux publics il y a de nombreuses publications privées.
La presse est plus nombreuse et officiellement « libérée » de tout lien avec le régime. Pour le moins en ce qui concerne la presse privée. Les procédés qu'utilise cette presse tendent « paradoxalement » à montrer que ce n'est pas le cas. Bon nombre de journalistes de l'école des années '70 se retrouvent membres de journaux privés (responsables ou actionnaires ou/et rédacteurs).
Au vocable « impérialisme » se substituent d'autres mais l'ennemi est toujours extérieur avec la connivence « d'algériens factieux, ennemis internes, traîtres » ou vice-versa.
Ainsi la presse algérienne publique ou privée fait reposer la responsabilité des multiples manifestations contre le régime et jusqu'à ce procès « intenté par Nezzar » sur « les ennemis de l'Algérie » (intérieurs et extérieurs) sur ces « moutons qui suivront (.) l'éditeur de La Sale Guerre [aux] méthodes sournoises » (La Nouvelle République du 29/06/02), et sur « Ali Yahia Abdennour et toute la smala du Kituki » (Le Soir du 14/07/02).
Pour ces journaux cette « machination (Nouvelle République du 01/07/02) est le fait d' une agrégation de « collusions » allant des « criminels politiques », du «binôme FFS- FIS » à « l'Internationale socialo-islamiste », au « trotskiste Gèze », et aux « héritiers staliniens de Mittérand » ainsi qu' à « l'alliance de Sant 'Egidio ». [Les adversaires de Khaled Nezzar, ces] « calomniateurs de tous bords, ont affûté leurs armes pour faire [du procès] une tribune de subversion idéologique au service des intégristes » (El Moudjahid du 01/07/02). « Les criminels d'alliés politiques [des égorgeurs du FIS] nationaux ou étrangers [ont] le champ libre (.) la complicité de l'Internationale Socialiste aidant » (Le Soir d'Algérie du 02/07/02) ,
On retrouve derrière ce procès qui a vu se « confronter le FFS et Nezzar » (L'Expression du 06/07/02) (.) « les partisans acharnés de "la pensée unique" médiatico-politique se rencontrant dans les laboratoires de l'Internationale Socialiste. [Mais] la vision stalinienne des héritiers Mittérandiens a failli en terre française (Horizons du 08/07/02). Finalement « en toile de fond de ce procès (.) se dessine une réponse à la machination échafaudée par l'intrigant F. Gèze, aussi dévoué que le plus servile des bouffons » (.) avec l'aide de cercles socialo-islamistes. » (La Nouvelle Republique du 01/07/02) . « Le procès (.) se meut inexorablement en procès d'une vision aliénante et légitimante du terrorisme. Au banc des accusés : l'alliance contre nature de feu Sant' Egidio » (Horizons du 08/07/02).
Des déclarations qui confortent et complètent celles des « épigones » du régime selon le mot de Addi Lahouari. ; tous « unanimes. A la manière de soldats disciplinés ils étaient venus à la barre défendre pied à pied l'honneur de l'armée » (Le Monde du 05/07/02). : « Devant une assistance scotchée à ses propos, Ghozali affirme que sa "conviction profonde est de rétablir la vérité contre des assertions qui entrent dans le cadre d'une stratégie de l'intégrisme qui, pour accéder au pouvoir, table sur l'effondrement de l'État, en utilisant la déstabilisation de l'Armée, seul rempart possible à ce projet » (Liberté du 03/07/02). «Interrogé sur le livre de Souaïdia, M. Ghozali a tout d'abord déclaré qu'il n'était pas venu témoigner contre Souaïdia, qui est, selon lui, "l'instrument d'une opération médiatique et d'un matraquage qui ne date pas de ce jour" ». (Le Matin du 03/07/02).
Ce type de déclaration et d'autres du même acabit , de milieux proches de certains cercles du pouvoir sont relayés par la presse algérienne comme nous le montrons ci-dessous à propos de ce procès. Presse algérienne qui ne s'est jamais posé la question de la censure du livre de Habib Souaïdia. « La Sale Guerre que « l'écrasante majorité des algériens ne lira sans doute jamais [car elle] n'a aucun accès au champ d'expression, monopolisé (.) par la minorité qui prétend détenir l'exclusivité de l'honneur national » lit-on dans une pétition [in : www.algeria-watch.org]

LES MEDIAS ETRANGERS

Ce point est « naturellement » à relier (au vu des contenus d'articles analysés de la presse) au point précédent. Il est à préciser que ce qu 'écrit la presse algérienne sur les témoignages des journalistes étrangers durant le procès est porté à la seule rubrique 3.5 : Les témoignages.
La presse algérienne accuse les médias français de partialité, lorsque ces médias justement et au contraire donnent la parole à des hommes et des femmes censurés par les médias algériens.
Ce procès a permis « un débat qui n'a jamais été possible dans les médias[entendre : « en France »] » (El Watan du 02/07/02), « ces médias qui doivent déjà se lécher les babines » (L'Expression du 03/07/02) Mais « la machine médiatique française » (L'Expression du 01/07/02) ou parisienne « si friande de ces joutes suicidaires algéro-algériennes » (Liberté du 14/07/02) a lancé « une campagne » (La Tribune du 02/07/02) où « ruses, astuces, allégations, désinformations et intox sont employés » (El Moudjahid du 04/07/02). Cette campagne « assimile la plainte de Nezzar à celle de l'armée algérienne » (L'Expression du 03/07/02). Or, rappelons les déclarations de monsieur Ghozali après le procès : « Dans une entretien accordé à l'hebdomadaire « El Khabar Hebdo » l'ancien chef du gouvernement reconnaît que l'État algérien a pris en charge tous les frais liés à ce procès. Il déplore cependant que l'État ne se soit pas impliqué politiquement dans le procès » (Algéria Interface du 26/07/02). « Des journaux (.) ont sous-entendu que Khaled Nezzar défend l'honneur de toute l'armée algérienne à travers ce procès. Les médias, il faut le craindre, ont donné une orientation de mauvais aloi aux débats ».(l'Expression du 03/07/02).
Heureusement que les socialistes français ont été battus aux dernières élections se réjouissent les journaux car « Sans ces facteurs [le recul des socialistes] particulièrement favorables au plaignant, le traitement médiatique aurait été plus mis [sic] en valeur. Aucun journal [français] en effet, n'a accordé hier son ouverture au procès (.) Des articles particulièrement "orientés" n'en ont pas moins été faits. L'information brute, objective, n'occupe que très peu de place dans la plupart de ces articles. Un cachet politique très clair est collé au procès alors que Nezzar ne mène bataille que pour une simple histoire de diffamation » (l'Expression du 03/07/02).
L'expression fait l'impasse sur la déclaration de Me Jean-René Farthouat avocat de Khaled Nezzar, sur la politisation du procès «Nous n'avons pas engagé cette procédure pour rien. Nous entendons faire une large mise en perspective de tout ce qui s'est passé en Algérie ces dernières années», a-t-il déclaré » dès le 29 juin 2002, (El Watan du 02/07/02)
L'Expression insinue que « sans ces facteurs » c'est à dire si les socialistes n'avaient pas été vaincus aux dernières élections « le traitement médiatique » eut été plus orienté, à l'image de ce qu'écrit « cette journaliste acharnée [et] du qui tu qui [Sic] (.) [et] dans sa haine contre l'Algérie » (APS du 06/07/02).

LE SILENCE

La presse tut les témoignages de Mehdi Mosbah, de Mohamed Samraoui, de Omar Benderra.Elle se tut aussi sur la falsification de faits historiques.
Lorsque des témoins de Khaled Nezzar (Leïla Aslaoui et Omar Lounis) laissent entendre que la marche du jeudi 02 janvier 1992 a été appelée et organisée par le CNSA (comité national de la sauvegarde de l'Algérie) ils falsifient les faits. Cela est une contre-vérité historique. Ces déclarations sont délibérément incomplètes.
Aslaoui dit (Le Soir, 10 juillet 2002) : « Je peux affirmer qu'il [Aït Ahmed] était fatigué très fatigué même, en proie à de sérieuses difficultés de mémoire (erreurs sur des dates) [Aït Ahmed] a refusé l'idée que c'est à l'appel du CNSA que nous avions manifesté le 02 janvier 1992. Fort heureusement un des artisans- M. Lounis Omar syndicaliste- a expliqué au tribunal comment le CNSA avait été créé et dans quelles conditions la marche a eu lieu. Je me souviens pour ma part que j'avais crié avec d'autres : "Non au deuxième tour, armée, avec nous". » Cette personne tente de semer le doute sur les facultés intellectuelles de Hocine Aït Ahmed en suggérant sa sénilité. Ces procédés à l'égard notamment de Monsieur Aït Ahmed qui sont anciens, ont cet avantage de caractériser à eux seuls leurs émetteurs.
Ce commentaire d'El Moudjahid (du 06/07/02) : « Omar Lounis (.) fera une large rétrospective sur la création et les actions du CNSA avant d'aborder les objectifs de la grande marche du 02 janvier 1992 » ainsi que celui de l'APS (06/07/02) : « [Aït Ahmed] a soutenu des contre-vérités allant jusqu'à dire que son parti avait organisé une grande manifestation à Alger pour s'opposer à l'arrêt du processus électoral » abondent dans la même tentative de désinformer. Les autres journaux se bandent les yeux se bouchent les oreilles et se taisent. Ce silence participe d'une certaine manière à la falsification de faits historiques.

Quels sont ces faits ?

Le 30 décembre Le Quotidien d'Algérie écrit : « C'est au siège du FFS que Aït Ahmed a tenu [le dimanche 29 décembre 1991] une conférence de presse (.) [Il appelle] à une marche le jeudi 02 janvier 1992 »
Les objectifs de cette marche sont formulés dans un encart publicitaire paru notamment dans Le Matin et El Watan du 31/12/91 : « Refuser la fatalité de la République intégriste après avoir refusé l'Etat policier (.). Sauver la démocratie. » mais « La machine politique qui prépare publiquement l'arrêt des élections se met en branle le 31/12 par la création du CNSA » (Abed Charef, Le grand dérapage. Edition de l'Aube). Le CNSA est créé le 30 décembre 1991 dans des circonstances troubles, notamment par la direction de l'UGTA, des cadres de l'administration publique et des membres du patronat. Cette association est agréée le lendemain 31 décembre. Cette célérité de l'administration est unique. Inouïe. Ce comité est « né dans le bureau du ministre de l'information M. Abou Bakr Belkaïd » (Louisa Hanoune, Une autre voix pour l'Algérie. Edition La Découverte).
Le CNSA appelle (encart dans Alger républicain du 02 janvier 1992) « tous les algériens à exprimer leur attachement au développement du processus démocratique (.) à exiger le respect par tous, de la légalité constitutionnelle. ». Le jour de la marche, « Des centaines de milliers d'algériens ont répondu à l'appel de Hocine Aït Ahmed » (Le Matin du 04/01/1992). « Du balcon de l'hôtel [Aït Ahmed] s'adresse brièvement à la foule, appelant « au respect de la légalité pour éviter une guerre civile » en soulignant « qu'interrompre le processus électoral signifierait cautionner les institutions au pouvoir ». (Le Monde du 04/01/1992).
« La fièvre anti-électorale est relayée par la presse francophone qui multiplie les « une » catastrophiques (.) L'objectif est clair : montrer que la « société civile » appelle de ses voux l'interruption du processus électoral » (José Garçon ; in Reporters sans frontière « Le drame algérien ». Edition La découverte.). Il est vrai que la presse martèle cette demande d'interruption du processus électoral . Les 5 et 6 janvier « le ministre de la communication organisa une grande conférence nationale sur la presse (.) pour sonder les patrons de presse et les journalistes, et les préparer à la remise en cause des élections. » (Abed Charef, Le grand dérapage). Une des trois tendances qui se dégagent durant cette conférence « est prête à collaborer avec le pouvoir [mais] demande des garanties et des contreparties, essentiellement financières » (Abed Charef).

En définitive qu'est-ce que cette association dénommée CNSA ?

« Une structure politique mise en place à l'initiative de l'armée, dont Khaled Nezzar était le chef » (AP, le 11/07/02), « La presse salue la naissance du CNSA, une structure née pour défendre la démarche des décideurs » (Le Jeune Indépendant ; avril 2001)
« Appelée par le FFS explicitement pour sauver le processus démocratique à la fois contre la menace islamiste et celle d'un coup de force militaire, la gigantesque marche populaire du 02 janvier devient de glissement sémantique en exégèse journalistique, un refus du verdict des urnes » (La Nation du 06 au 13/01/1992)

CONCLUSION

Les titres de la presse durant la semaine du 01 au 07 juillet sont peu signifiants. Ils reflètent peu le contenu des articles. Les formules utilisées pour désigner le plaignant ou ses témoins si elles ne sont pas élogieuses, le plus souvent elles les valorisent positivement. Parfois, pour faire bonne mesure la presse égratigne Khaled Nezzar lui même ou tel ou tel ancien « haut responsable », témoin de la partie civile.
Habib Souaïdia et ses témoins sont autrement traités. Le parti-pris est manifeste notamment dans le choix des vocables et des symboles que cette presse leur associe.
La presse algérienne ignore certains témoignages, accompagne d'autres de ses commentaires auxquels la majorité des témoins ne peuvent très probablement pas répondre. L'objectif de ces commentaires est d'en réduire la portée. Le procès lui même est diversement apprécié par la presse qui choisit de s'attaquer ouvertement aux ennemis extérieurs et intérieurs ainsi qu'à la presse étrangère (française).
L'espace quantitatif que la presse algérienne a réservé aux témoignages de Khaled Nezzar et ses soutiens avoisine près de 80% de l'ensemble de l'espace consacré aux témoignages. Le traitement réservé par la presse au procès « Nezzar-Souaïdia » est donc à quelques extraits d'articles ou signatures prêts, « orienté ».
Le régime algérien a voulu affaiblir l'opposition démocratique et reprendre l'initiative devant une Europe qui, malgré la signature de l'accord d'association prêtait à nouveau une oreille attentive à l'opposition surtout depuis la parution d'ouvrages dénonçant les pratiques de certains segments de l'armée algérienne et l'immense écho international qui en a résulté. Il engage un procès par l'intermédiaire du général Khaled Nezzar, « pour absoudre une fois pour toutes le haut commandement militaire de toutes les accusations » (Libération du 01/07/02) et convie par la même la presse à le suivre . « Le 11 septembre a éclairé la communauté internationale sur l'ampleur du drame que les Algériens subissent depuis des dizaines d'années du fait d'un terrorisme d'inspiration islamiste » (El Watan du 11/09/02).
« Ghozali reconnaît que l'Etat algérien a pris en charge tous les frais liés à ce procès ». (Algéria Interface du 26/07/02). Il ne s'agit donc pas d'un procès en diffamation intenté par « un ex-général à la retraite contre un ex- sous-officier voleur de pièces automobiles ». Il s'agit d'une offensive politique du régime contre l'opposition démocratique qui n'a de cesse de porter les débats sur la nature du pouvoir en Algérie.
L'Humanité (du 01/07/02) écrit : « ouverture du procès à l'initiative de l'armée algérienne représentée par le général Khaled Nezzar [qui] fait partie de ces hommes forts qui, dans le cercle très restreint des décideurs militaires algériens, exercent dans l'ombre le vrai pouvoir en Algérie ». « Ce qui importe pour les avocats du général c'est (.) de contrecarrer la campagne médiatique, laquelle a porté un coup à la réputation de l'armée algérienne ». (La Tribune du 02/07/02). « Aujourd'hui, les militaires ont vraisemblablement décidé de laver ''l'honneur de la tribu'' (.). Tout porte à croire que leurs dernières sorties ne sont pas spontanées. Ils se sont décidés enfin à se défendre (.). Les militaires algériens se sont expliqués » durant le procès. (Le Matin des 13 et 11/07/02).
Cette offensive contient en elle un traitement médiatique approprié au procès. Lors d'une conférence de presse le général Lamari Mohamed déclare : « ce procès (.) Nezzar l'a intenté pour aller au delà de la seule diffamation. Il faut crever l'abcès une fois pour toute » (Le Quotidien d'Oran du 03/07/02). La veille de l'ouverture du procès le ton est donné par un des avocats de Khaled Nezzar qui déclare : « nous entendons faire une large mise en perspective de tout ce qui s'est passé en Algérie ces dernières années ». (AFP, le 29/06/02) car il est insuffisant de dénoncer le seul Habib Souaïdia, qui n'est qu'un « instrument d'une opération médiatique » déclare Ghozali (Le Matin du 03/07/02). Il faut donc dépasser le prétexte de la diffamation et dénoncer toute l'opposition et ses alliés qui veulent « s'attaquer à l'Algérie ou à l'institution militaire » (Le Matin du 11/07/02), d'où la virulence contre toute l'opposition démocratique appelée « alliés de l'internationale socialo-islamiste » , de Sant'Egidio aux « héritiers staliniens de Mitterand »
La presse peut-elle se positionner autrement qu'elle l'a fait ? Non même si, écrit-elle ce procès la gêne. « On comprend que la presse ne puisse se poser (certaines) questions parce qu'elle a des enfants et des parents à nourrir ». (El Watan du 14/07/02) mais surtout parce qu'elle a des engagements de collaboration à respecter.
Il y a lieu de rappeler ici ce qu'écrivait Le Matin (du 11/07/02) : « Le procès Nezzar-Souaïdia fut un coup réussi pour l'armée : l'abcès est crevé. Les militaires algériens se sont expliqués, dans une capitale occidentale [nous soulignons] (.). C'est fait » ; ou bien ce commentaire sans ambages du Quotidien d'Oran (du 04/07/02) : « Une victoire de Nezzar, de l'armée algérienne, donc, [nous soulignons] en France, constituerait ensuite une charge symbolique inouïe. Au quarantième anniversaire de l'indépendance du pays, c'est plus qu'une victoire, c'est l'affirmation d'un rôle qui, (.) devient un facteur de légitimation politique pérenne ». [nous soulignons].
Le Matin ajoute : « Le procès va déborder (.) pour devenir un réquisitoire contre l'armée algérienne, et à ce jeu là, pourquoi se le cacher, il n'y a guère de place pour la neutralité : cette cause est la notre » (01/07/02). Comment alors ne pas rapprocher ces prises de position de ce témoignage de M. Mohamed Harbi qui : « n'hésite pas à dire que «la presse demeure le secteur le plus infiltré par la SM et qu'en l'occurrence, elle demeure le meilleur allié de l'armée». » (L'Expression du 03/07/02)
La presse s'est positionnée et elle avoue sa dépendance : « Nezzar tisse avec certains journaux une véritable lune de miel » écrit Liberté (du 13/07/02) qui se voit vertement répliquer par Le Soir d'Algérie (du 14/07/02) et qui prend pour lui l'écrit de Liberté : « C'est maintenant qu'il faut se mouiller pour un Smic démocratique (.) après il sera trop tard pour (.) venir remuer du popotin ». Mais L'Expression (du 13/07/02) qui écrit : « En s'attaquant à Fattani [le directeur de ce journal], Nezzar cherche délibérément à atteindre une autre cible » confirme ce qu'écrit Liberté mais ne précise pas qui est cette cible qui se dissimule derrière les écrits de Fattani (ou du journal).
Lorsque le Quotidien d'Oran (du 18/07/02) écrit : « L'interview fleuve de Mohamed Lamari, précédée de confidences énigmatiques d'un autre officier supérieur (.) suivie d'une série de commentaires et d'analyses visiblement commandées », il confirme à son tour ces « liens tissés ».
En 1992 deux directeurs (à des périodes différentes) du même hebdomadaire Algérie Actualité, s'accusent mutuellement d'être à la solde des « patrons de la direction générale de la sûreté nationale » , une autre fois un journaliste de L'Hebdo Libéré écrit que son directeur « a mis à la disposition des policiers les dossiers administratifs de certains journalistes » (Ali Yahia Abdennour, Algérie raison et déraison. Edition de l'Harmattan)
« Dans son livre les Nouveaux Boucs émissaires Abderrahmane Mahmoudi [ex directeur de l'Hebdo Libéré qu'il a lancé] qui voue une fascination extrême pour les services de renseignements (.) soutient que « la disparition brutale » du colonel Salah, de la DRS «a très probablement un lien avec sa participation à un mouvement d'officiers supérieurs qui, (.) décident d'installer à la présidence de l'Etat le général Liamine Zeroual, sans passer par la fameuse conférence nationale de janvier 1994. Quelques journalistes, dont deux ont été par la suite contraints à l'exil, et un autre assassiné, avaient été approchés pour assurer la partie médiatique de l'opération». (In Libre Algérie n° 56, 23 octobre 2000).
Depuis de nombreuses années certains cercles du régime « tissent » avec des journalistes ou directement avec des responsables de journaux des liens. Des liens sont tissés sur la base de compromis. La presse est prête à « collaborer avec le pouvoir » (Abed Charef), en contrepartie de quoi le régime la tolère. Ces arrangements ou compromis d'intérêts sont ici entendus au sens de sociation (Vergesellschaftung) que leur attribue Max Weber ; une « entente rationnelle » fondée sur une « constellation » d'intérêts. Il ne peut en être autrement. « Comment pourrait-il exister une presse libre dans un pays sans Etat de droit ? » s'interroge Salima Ghezali (In La lettre de la FIDH, 04/1999).
Les journaux d'opposition ont disparu de la scène médiatique algérienne dans un silence approbateur ou accompagnés de commentaires inacceptables tels que ceux d'El Watan. Lorsqu'en effet à la suite des coups de boutoir répétés de l'administration l'hebdomadaire La Nation disparaît, El Watan (notamment) affirme dans son édition du 13 mars 1997 : « c'est la commercialité qui lui sera fatale » sans autre précaution bien que plusieurs autres journaux qui avaient des dettes beaucoup plus élevées n'ont pas été inquiétés.
La presse algérienne est nombreuse et traite des quantités de questions. Elle met en lumière un certain nombre de problèmes. Elle est indépendante lorsqu'elle aborde des sujets perçus comme non sensibles.
Il arrive que la presse comme nous l'avons écrit donne la parole à l'opposition pour tenter de se départir de l'image, de la position qui sont réellement les siennes mais c'est pour aussitôt cerner cette parole par des flots de commentaires autres, dont l'objectif est précisément de noyer la parole octroyée parfois jusqu'à caricaturer le journalisme, tel cet exemple à propos du procès : « Les témoins de Souaïdia ne disaient pas que des mensonges quand ils pointaient du doigt (.) la responsabilité de l'armée » (Le Matin du 11/07/02).
Mais cette presse est aussi une presse qui soulève des questions très sensibles. Elle est une presse de combat bien qu'il faille distinguer les journaux zélés « va-t-en guerre » (ou outranciers comme la presse gouvernementale) et les autres, ceux qui par la sobriété de leurs commentaires laissent entendre leur incapacité à aller au devant de certains événements, « sans ordre ». Ceux-ci existent difficilement. Lorsqu'elle révèle des compromissions dans le cadre « d'enquêtes » sur des dossiers très sensibles (douanes, importation, islamisme, contrats internationaux de gaz et pétrole) ou lorsqu'elle s'attaque à de hauts dignitaires du régime, ou à des membres de la haute hiérarchie militaire (Betchine, le général Beloucif, les « magistrats faussaires » .) la presse le fait avec le consentement direct ou tacite ou encore sur « ordre » d'autres hauts dignitaires du régime ou d'autres membres de la haute hiérarchie militaire, les « marionnettistes » avec la garantie d'une certaine protection.
Lorsqu'en cet été 2002 une partie de cette presse tente de déstabiliser le président de la République Abdelaziz Bouteflika (« affaire » Orascom), L'Expression (du 08/08/02) écrit pudiquement : « un lien direct, clair et tranché existe entre cette campagne et celle de 98 [campagne médiatique contre le ministre-conseiller du président de la République Liamine Zeroual les amenant à une réaction « épidermique » : démissionner]. Les mêmes médias (.) et, sans doute, les mêmes sources, pour ne pas dire marionnettistes, sont en charge de la campagne de 2002 (.). Impossible de croire que cette brusque montée au créneau ne répond à aucun besoin politicien ». Abondant dans le même sens Algéria-Interface (du 06/09/02) écrit : « Le "feuilleton de l'été 2002" ne semble guère, faute de combattants, se terminer par un remake de celui qui a contraint les généraux Mohamed Betchine puis Liamine Zeroual à passer la main, en 1998. (.) Il n'y a pas eu d'unanimité contre Bouteflika ».
Lors de la conférence de presse de Khaled Nezzar durant laquelle il annonçait qu'il allait porter plainte contre Habib Souaïdia, « une vieille révolutionnaire » qui a bruyamment perturbé la conférence interpelle les journalistes présents : « Et vous, vous venez lui faire la cour et lui sourire (.) Venez, ne vous sauvez pas ! Je peux vous apprendre à parler, à être courageux ! (.) Nezzar n'a été qu'un Pinochet, un assassin, un criminel sans scrupule et sans envergure ! » (L'Expression du 23/08/02)
Là aussi, à une ou deux exceptions, les suppliques de cette vieille mère de disparu furent l'objet d'un dédain médiatique général.
« Il y a longtemps que je ne lis plus la presse algérienne (.). Ma conviction est devenue inébranlable lorsque j'ai eu l'impression sordide qu'elle faisait corps à l'unisson dans des campagnes de conditionnement de l'opinion à l'occasion de massacres de populations civiles (.). Elle vire de bord au gré des ordres reçus ». (Maître Hocine Zahouane, Ligue Algérienne de Défense des Droits de l'homme -LADDH- cité par El Hadi Chalabi, La presse algérienne au-dessus de tout soupçon).
La presse algérienne gouvernementale ou privée est dépendante. La formule « à son corps défendant » est ici inadéquate. Cette presse ne pouvait par conséquent traiter équitablement, objectivement le « procès Nezzar-Souaïdia ». Telle est notre conclusion.

Ahmed HANIFI
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SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES

"Repartez chez vous M. Ménard !"

A-C.,Liberté, 25 juin 2000

C'est le message adressé par le SNJ au secrétaire général de l'organisation Reporters sans frontières qui sera, aujourd'hui, à Alger pour enquêter sur les médias et les journalistes qu'il a toujours considérés comme des porte-voix du pouvoir.Tout en appelant l'ensemble des médias et des organisations de la société civile algérienne à une opération "portes closes", le SNJ explique les raisons qui l'ont amené à adopter une telle position à l'égard de Robert Ménard et de son organisation. "Parce qu'il nous avait conseillés d'installer des caméras de surveillance et de porter des gilets pare-balles, comme si nous avions besoin de ses conseils pour cela, au lieu de nous apporter sa solidarité concrète", souligne un communiqué du SNJ transmis, hier, à la rédaction. Et d'ajouter : "Parce que pour lui, il n'y a jamais eu et il n'y a toujours pas de presse libre et de liberté d'expression dans notre pays et qu'il a considéré et considère encore les journalistes algériens comme des relais et des porte-voix du pouvoir".Toutefois, le SNJ est convaincu qu'il existe dans les rangs de RSF des membres sincères et réellement engagés dans la défense de la liberté de la presse et d'expression "à la différence de Robert Ménard et de son clan". Il considère que c'est ce dernier qui "porte tort à leur action solidaire".

Déclaration

Des journalistes algériens ont rendu publique la déclaration ci-après en signe de désaveu à la position exprimée par le SNJ au sujet de la visite de RSF. Parmi la liste des signataires, quatre membres du Conseil national du SNJ et des adhérents se disent démissionnaires de ce syndicat.
Nous, journalistes algériens, après avoir pris connaissance de l'appel du Syndicat national des journalistes (SNJ) au boycott de la mission de RSF, estimons que :
- cette décision n'engage que le SNJ auquel nous dénions le droit de s'exprimer au nom de tous les journalistes algériens ;
- le contenu de cet appel est une insulte aux principes de la liberté d'opinion et au droit de tout confrère, quelle que soit sa nationalisté, de s'informer sur la situation de la profession en Algérie ;
- le sens de l'éthique et de la déontologie interdit que les divergences avec le point de vue de RSF s'expriment sous forme d'injures et d'invectives.
Liste des signataires : Noureddine Azzouz (La Tribune), Hocine Adryen (journaliste indépendant), Ahmed Kaci (L'Est républicain), Fayçal Metaoui (El Watan), Youcef Zirem (journaliste indépendant), Salim Djaâfar (Le Siècle), Habet Hannachi (journaliste indépendant), Yacine Merabet (La Tribune), Yassin Temlali (journaliste indépendant), Abdelkrim Ghezali (La Tribune), Abdoun Mohamed (L'Authentique), Faouzia Ababsa (L'Authentique), Mohamed Mehdi (Libre Algérie), Amarni Badiaâ (L'Authentique), Louni Arezki (L'Authentique), Taleb Ahmed (L'Authentique), Larbi Bouazza (L'Authentique). Sebaïhi Moussa (El Açil), Saouli Fayçal (El Youm), Saïd Chekri (Le Matin), Amar Hamiche (Le Matin), Rachid Mokhtari (Le Matin), Khadija Chouit (Le Matin), Hammiche Slimane (El Khabar), Redouane Aghrib (El Khabar), Chawki Madani (El Khabar), Saâdi Belkhadem (El Khabar), Guessoum Soulef (El Khabar-Hebdo), Salah Eddine (El Açil), Hasna Yacoub (La Tribune), Abdelaziz Azizi (La Tribune), Mustapha Aït Aoudia (La Tribune), Saliha Aoues (La Tribune), Ali Benyahia (La Tribune), Mehdi Chakib (La Tribune), Chahla Chettouh (La Tribune), Lyès Malki (La Tribune), Mohamed Nedjar (El Açil), Ketfi Hasna (El Açil), Berrached Mehdi (El Açil), Abderrahim (El Açil), Baghali (El Açil), L. Messalti (El Açil), Hadri Allel (El Açil), Mekhaldi (El Açil), Saïd Kaced (journaliste), H. Seklaoui (Jeune Indépendant), Rachid Kaci (Jeune Indépendant), Zaâf Med (Jeune Indépendant), Djamel Zerrouk (Jeune Indépendant), Mohamed Kouini (journaliste), Hamidou Benomari (Jeune Indépendant), Mustapha Abdelli (Jeune Indépendant)

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El Watan mercredi 20 décembre 2000
NOUREDDINE AIT HAMOUDA / «Les journalistes sont complices des terroristes !»

Le député RCD Noureddine Aït Hamouda semble avoir engagé une campagne contre la presse.
Hier, dans les coulisses de l’APN, il a porté des accusations très graves. «Les journalistes sont des complices des terroristes. Ils écrivent des mensonges et font l’apologie du terrorisme», a-t-il déclaré. Faisant fi des réactions des confrères présents, le député RCD a poursuivi : «Vous êtes comme une secte. Vous ne voulez pas qu’on vous juge. Eh bien finalement, Bouteflika a raison: vous êtes des tayebet el hammam». Selon lui, une grande partie des journalistes n’ont pas le niveau requis pour exercer ce métier. «Un niveau de deuxième année élémentaire ne permet pas d’être journaliste», a-t-il lancé. Interrogé sur son niveau universitaire, Aït Hamouda a continué ses critiques et ses attaques. Les journaux El Watan, Le Matin, Liberté et L’Expression ne font que dans le mensonge. Algérie presse service (APS) serait, d’après ses dires, dirigée par les militaires. Les protestations de la consœur de l’APS n’ont pas dissuadé le député RCD qui a laché ceci : «Taisez-vous ! Taisez-vous ! Ce n’est même pas des gradés qui vous dirigent puisque des sergents-chefs font de vous ce qu’ils veulent.» Les journalistes ont demandé à Aït Hamouda de révéler ces «vérités» en plénière de l’APN et de s’assumer par conséquent. Le député, sérieux, n’a pas baissé les bras et a lancé : «Vos directeurs ne me font pas peur. Je connais la manière avec laquelle ils ont combattu pour la liberté de la presse lorsqu’ils étaient à El Moudjahid, L’Unité et Ech Chaâb». A notre question sur «le combat» de Noureddine Aït Hamouda pour les libertés démocratiques et les droits de l’homme ces dix dernières années, le député RCD n’a pas trouvé mieux que de menacer : «Ne m’obligez pas à vous répondre vulgairement et violemment !».
Par F. M
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El watan du mardi 13/06/2000

LA FIDH FAIT LE BILAN DE SA MISSION A ALGER / La presse désignée du doigt
Evoquant les conditions dans lesquelles la mission que son organisation vient d’effectuer en Algérie sur invitation du président Bouteflika, le président de la FIDH, Patrick Baudoin, bien que s’en défendant, a commencé par faire un réquisitoire — en tout cas le propos y ressemble — de la presse, «cette presse privée présentée comme indépendante.»
«Contrairement à notre dernière mission en 1997 nous avons pu circuler. On se félicite d’avoir eu la possibilité d’aller en Algérie et de renouer le dialogue, y compris avec les autorités. En revanche, il y a eu un manque de bienveillance dans l’accueil à deux niveaux : une campagne de presse virulente d’un niveau vil, mettant en cause certains membres de la mission» «dont certains organes dépendent de gens du pouvoir.» «Certains journalistes, par contre, ont traité avec intérêt et sérieux la visite de la FIDH.» Le président de la FIDH a ensuite indiqué que la mission a fait l’«objet d’une surveillance étroite, pesante», «d’écoute constante» ajoutant qu’«à El Djazaïr où descendent les étrangers le système de surveillance est très perfectionné.» Et il cite une conversation dans la chambre avec Driss El Yazami, secrétaire général adjoint de la FIDH, portant sur l’éventualité d’organiser un point de presse. «On était seuls, le lendemain l’information était dans la presse.» Alors que nous lui demandions de préciser le sens de ses propos et les accusations portées par une institution comme la FIDH et pourquoi il n’y a pas eu de point de presse à Alger, ce qui aurait permis un échange entre les membres de la FIDH et les journalistes, Patrick Baudoin nous a répondu d’abord que le temps a manqué à la mission, puis qu’il n’était pas dans la pratique de la FIDH de donner une conférence de presse dans le pays où elle se trouvait missionnée. Driss El Yazami a précisé que seuls El Acil, L’Authentique, La Tribune et un article d’El Watan ont été corrects. «Tous les autres articles qui ont traité de notre mission ont travesti, intoxiqué, menti et méprisé les lecteurs.» «La présentation de notre mission a été fallacieuse.» Les responsables de la FIDH ont indiqué avoir rencontré toutes les parties. «Nous n’avons refusé aucun contact, ni avec les associations de disparus ni avec celles des victimes du terrorisme.» «Nous ne faisons aucune distinction entre les victimes, toutes nous ont touchées : les victimes des islamistes, d’un certain banditisme, des GLD, des forces de sécurité.» Ils estiment que la violence a certes diminué dans les grandes agglomérations mais qu’elle persiste dans les zones reculées. Ils ont ensuite fait état d’absence de statistiques sur le nombre de GLD désarmés, sur celui des bénéficiaires de la loi portant concorde civile et de la grâce amnistiante. «Au ministère de la Justice, on nous a donné le chiffre de 5500 bénéficiaires de la loi sur la concorde civile et de la grâce amnistiante.» «L’ONDH, vitrine des droits de l’homme, du pouvoir, parle de 1200 grâces amnistiantes.» «Comment la loi sur la concorde civile fonctionne concrètement ? On a demandé à mieux connaître le fonctionnement des comités de probation. Ils se réunissent de façon opaque, sans examen sérieux des cas des personnes», a indiqué Patrick Baudoin. Concernant les disparus, il a précisé qu’il a été communiqué à la mission le nombre de 4600 plaintes enregistrées par les bureaux d’accueil chargés de les recueillir. Puis il a ajouté que le ministère de la Justice fait état de 3019 plaintes déposées pour disparition dont 7 disparus sont des repentis, 833 sont recherchés par les services de sécurité, 92 abattus au cours d’opérations, 9 autres ont été abattus par des terroristes dans des conflits les opposant, 74 ont été retrouvés chez eux. «Ce sont les chiffres officiels ; restent 2000 cas sans réponse. On nous a dit qu’il y a des instructions». Et «notre ligne reste constante. On se tourne vers l’Etat, parce que c’est l’Etat qui a la responsabilité de la sécurité de ses concitoyens. On a toujours dit qu’on lui reconnaissait le droit et le devoir de réprimer tout acte répréhensible dans le cadre de la loi.» Concernant l’intervention du président Bouteflika devant l’Assemblée nationale française, Patrick Baudoin a indiqué : «Nous posons deux questions : quelle est cette voix qui va s’exprimer ? Est-ce la voix de celui qui, interrogé sur les disparus, a répondu de façon inouïe et scandaleuse : “je ne les ai pas dans la poche“. La deuxième question : à qui profitera cette aura qui va résulter de l’intervention du président Bouteflika à l’Assemblée nationale ? Que l’écho soit donné de voix différentes... le cri que nous avons entendu c’est celui du peuple algérien tout entier que le président algérien tende l’oreille à ces voix.» Malika Matoub est intervenue sur l’enquête de l’assassinat de son frère Lounès et notamment sur la reconstitution du 7 juin qu’elle a qualifiée de «mascarade», ajoutant que «le dossier d’instruction est vide : pas d’autopsie, pas d’expertise balistique. L’affaire est toujours instruite contre X.»
Par Nadjia Bouzeghrane
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Liberté 13 juin 2000
Point de presse à Paris de la FIDH à son retour d’Alge
"Les journalistes indépendants ont menti"
Correspondante à Paris Khadidja B.
En attendant la publication du rapport final sur la mission qu’elle vient d’effectuer en Algérie, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), dans un communiqué rendu public hier à Paris et commenté par la presse par les membres de la mission, et après avoir présenté les premières conclusions, a procédé à une attaque en règle contre les journalistes de la presse privée. Dans ce communiqué (voir compte-rendu), la FIDH "déplore la désinformation et les attaques infondées quelle a eu à subir constamment de la part de certains organes de la presse privée dite indépendante, tout en saluant le traitement objectif réservé à son déplacement par quelques journalistes algériens". Le propos ne s’arrête cependant pas là. Dans son intervention, Patrick Baudouin, le président de cette ONG, a dénoncé "les campagnes de presse de vil niveau et la présentation très fallacieuse de la mission par ces journaux qui ont menti et ont péché par omission". Pour la FIDH, ces journaux qui se disent indépendants, sont l’émanation du pouvoir, de l’argent et du pouvoir en place auprès de qui ils vont prendre leurs seules sources, celles des services de sécurité. Seuls quatre journaux El-Acil, l’Authentique, La Tribune et un journaliste d’El Watan nommément cités, en l’occurrence Mettaoui, ont la faveur de cette ONG. Liberté a été particulièrement visé dans ces attaques qui reprochent en particulier à notre journal d’avoir parlé de la mission avant qu’elle ne démarre (un comble !) et d’avoir évoqué la nationalité d’un de ses membres.
Faut-il s’étonner et du contenu du communiqué et des attaques contre notre corporation, lorsque l’on découvre, comme l’a fait très justement remarquer le collègue d’El Khabar, que les murs de la salle de réunion de cette ONG sont tapissés d’une toile portant des termes en toutes les langues, ceux inscrits en arabe sont les suivants "Ahl el kitab et essouna !".
K. B.
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LE MONDE DIPLOMATIQUE MAI 2000

La Lettre de la FIDH #14 - 15 Avril 1999

"De la presse bâillonée à la presse schizophrène". Interview de Salima Ghezali
La journaliste algérienne Salima Ghezali a reçu le prix Sakharov en 1997 pour son courage et son attachement à la liberté. Depuis novembre 1996, le journal La Nation, dont elle est la directrice, est interdit de parution. Il avait publié un numéro spécial sur les violations des droits de l'Homme en Algérie.
On attendait la reparution de La Nation en novembre dernier. Six mois plus tard, on attend toujours. Pourquoi ?Oui, on espérait se trouver dans les kiosques en novembre, mais je crois que, malheureusement La Nation sera le dernier journal à ressortir. Parce qu'il gêne. Certes, 17 nouveaux titres - la plupart en langue arabe - ont pu se créer lors des quatre dernières années, mais cette floraison de titres n'est qu'une apparence. L'obstination des autorités à empêcher notre journal de sortir en est la preuve. Le pire, ce sont les méthodes : lors des deux dernières années de parution, c'était clair, La Nation a été censurée à neuf reprises, des hommes en armes investissaient l'imprimerie pour arracher les pages. Mais maintenant, nous nous heurtons au refus pur et simple de l'imprimerie d'Etat de nous imprimer sous prétexte d'une dette que nous pouvons et voulons rembourser, ce que l'on nous refuse. On essaye de nous mettre à genoux financièrement. Pour sortir en novembre, il a fallu assurer trois mois de salaire pour trente personnes. En pure perte. Alors que tout s'est réglé sans problème l'été dernier pour les quatre grands journaux qui avaient été empêchés de paraître pour cause de dette. Dans leur cas, ce sont des envoyés du pouvoir qui sont venus remettre le chèque qui les sauvait.
Cependant, l'étau ne s'est il pas desserré sur l'information ?Il est illusoire d'employer le mot "information" pour qualifier ce qui est publié dans la presse algérienne aujourd'hui. En fait, l'Algérie propose le modèle le plus achevé qui soit de désinformation. Je ne pense même pas, en m'exprimant ainsi, aux médias audiovisuels, radio et télévision, sur lesquels pèse un monopole d'Etat quasi-absolu. Là, on en est au même point qu'à l'époque du parti unique. Quand je dis modèle le plus achevé de désinformation, je parle d'une presse plurielle, avec une grande diversité de titres et d'obédiences. Oh ! il est certes possible d'y lire des attaques contre un membre du gouvernement, d'y trouver de l'insolence et même une certaine liberté de ton, mais cette presse plurielle a appris à ne jamais dépasser les lignes rouges fixées par le régime : pas question de mettre en cause la légitimité du coup d'Etat de février 1992, impossible de sortir du discours officiel à propos de la Commission d'enquête internationale ou de la réunion à Rome des partis de l'opposition.Ces lignes rouges résultent de tout un arsenal juridique qui balise parfaitement la circulation de l'information : un Code de l'information datant de 1990, les dispositions de l'état d'urgence depuis 1992, une circulaire ministérielle de 1994 sur l'information sécuritaire. Les journalistes et patrons de presse les connaissent bien, et, de ce fait, la censure n'intervient qu'en dernière instance. La subtilité de la désinformation d'Etat est qu'elle a instauré l'autocensure de la presse privée comme une sorte de dogme incontournable. Et au-delà des dispositions juridiques, les journalistes savent qu'une soixantaine d'entre eux a été assassinée durant la décennie 1990.
Ce n'est tout de même plus la presse d'antan, celle du parti unique ?
N'oubliez pas que la plupart des journaux contestataires ont disparu lors du coup d'Etat de 1992. Et qu'à l'exception de quelques mois en 1991-92 où la parole a pu se libérer, il n'existe aucune tradition de liberté de la presse en Algérie.Après des décennies de parti unique, c'est désormais l'état de guerre. En état de guerre, on n'apprend pas à informer. De toute façon, comment pourrait-il exister une presse libre dans un pays sans Etat de droit ? Il est impossible de demander à la presse d'accomplir ce que les institutions ou la société civile sont incapables de faire. En fait, nous avons une presse normale dans ce contexte : elle est une institution comme les autres. Et puis, il est incontestable que la plupart des patrons de presse sont soit des auxiliaires, soit des otages du pouvoir. D'une part, presque tous sont issus de la presse du parti unique, d'autre part, le gouvernement les ficelle totalement au plan économique par les aides à la presse privée décidées en 1996 : trois années de salaires assurées, des locaux appartenant à l'Etat, une imprimerie d'Etat. Un exemple ? L'UNESCO avait projeté de financer une imprimerie, une façon de desserrer l'étau du monopole. Que croyez-vous qu'il arriva ? Les autorités hurlèrent à l'ingérence extérieure, et avec elles une partie de la presse. Les autres journaux n'en ont pas parlé.
Il n'y a donc eu aucun changement ?
Si, depuis 1998 on est passé d'une presse bâillonnée à une presse schizophrène. Avant, on attribuait toute la violence aux islamistes. Aujourd'hui la presse peut traiter des attentats commis par les milices armées gouvernementales et les agents de l'autorité, mais sans enquête ni suivi, ni accès aux sources, ni analyse, ni possibilité de faire état de toute information sécuritaire non communiquée par le ministère de l'Intérieur. Et comment écrire librement lorsque vous êtes obligé de respecter le "bréviaire", un listing de mots comme "barbare" ou "terroriste" à reprendre obligatoirement lorsque ce sont ceux du communiqué officiel. La seule issue pour le journaliste qui veut prendre le risque d'informer, c'est d'essayer de faire passer une information où l'on peut lire la vérité entre des lignes mensongères. Mais bien peu l'ose !
Dans ce contexte, où est l'espoir ?
Il est dans le fait que, même si la désinformation rend dingue, si vous restez lucides, à force de recoupements vous arrivez à vous frayer un chemin vers la vérité. Et puis, à Alger, vous pouvez écouter une petite radio locale animée par les jeunes rapeurs qui sont d'une insolence inouïe. L'espoir, d'une certaine manière, est peut-être dans le rap.
Propos recueillis par Bernard Debord
J ournaliste

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«Le pouvoir nous tient par l'argent» Trois titres cessent la grève de solidarité avec des journaux suspendus.

FLORENCE AUBENAS, Libération, 9 novembre 1998

Ancienne caserne coloniale où s'est regroupée la majorité des rédactions depuis les premiers attentats ciblés contre les journalistes, la «maison de la presse» semble une matérialisation de la crise actuelle entre les journaux et le pouvoir. Bâtiment d'Etat, les loyers consentis sont symboliques. «Cela arrange certains titres qui n'auraient pas les moyens de s'offrir une location au prix du marché. Si demain le pouvoir les met dehors, ils ferment tout simplement. Quelle est dès lors notre marge de résistance possible à des pressions?» estime un directeur. Selon lui, l'affaire de l'imprimerie relève du même niveau. «Pendant des années, nous nous sommes retrouvés sur la même ligne que les autorités, le tout-sécuritaire, parfois par idéal, parfois par calcul. Comme les imprimeries appartenaient au secteur public, on ne nous réclamait pas la note. Plusieurs journaux ont pris l'habitude de ne pas payer, certains depuis fort longtemps. Avec l'accalmie des violences, nous avons voulu prendre une certaine latitude rédactionnelle, alors on nous présente l'addition. Avant, le pouvoir nous tenait par la peur. Maintenant, par l'argent.»
Par mesure sécuritaire, des policiers filtrent l'entrée principale de la maison de la presse. «Mais il est arrivé qu'ils nous empêchent de sortir pour une manifestation, explique une journaliste du Matin. Ils nous repoussaient en disant: "Restez chez vous, on ne veut pas vous voir à l'extérieur."» Pendant des années, le risque réel pour les reporters sur le terrain les avait en effet peu à peu conduits à ne sortir qu'exceptionnellement de leur enceinte pour des reportages ou des enquêtes. D'autre part, l'opacité volontaire des centres de décision a toujours empêché une information claire et publique. Même les démarches les plus simples, comme appeler un ministère pour vérifier une statistique ou connaître la date d'une audience en justice, nécessitent un sérieux piston. Jamais aucun document écrit ne circule, tout marche à la parole. Sans transparence, sans travail de terrain. «Nous sommes devenus une presse qui fonctionne uniquement sur les "fuites", les "tuyaux", les "confidences", les sources prétendues sûres», reprend un éditorialiste. «Autrement dit, à la merci de toutes les manipulations.» De façon révélatrice, même le montant des dettes réclamées aujourd'hui aux journaux par les imprimeries sont sujets à polémique. Chaque partie avance une évaluation de ce qui est dû variant parfois du simple au double. En 1995, par exemple, au moment de l'augmentation du papier sur le marché international, l'Etat avait accepté verbalement d'assumer le surcoût. Mais personne ne sait aujourd'hui s'il n'est pas inclus à la facture. Trois semaines après le début du conflit, le ministre de la Communication a annoncé triomphalement qu'il allait enfin dévoiler les chiffres, censés être l'objet du conflit.
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Florence Aubenas, Libération, mercredi 28 octobre 1998

«On ne peut plus faire passer le plat du terrorisme pour seule nourriture. C'est dans ce contexte que les affaires sont sorties.» Farid Alilat, du «Matin»
Outourdet Abrous, du quotidien Liberté, a le verbe las. «La presse était la seule chose que les autorités pouvaient brandir pour parler d'ouverture. Nous avons accepté tacitement, pendant longtemps, d'être leurs ambassadeurs. Au lieu de rapporter des informations, nous faisions des commentaires, de la politique. Depuis ces affaires, nous n'avons plus aucun contact avec le pouvoir. Pour la première fois, on ne voit pas dans quel sens tout cela va.» Muets, les journaux n'ont pourtant jamais été aussi éloquents.

Dans les locaux du journal l'Authentique, le rédacteur en chef reçoit dans son bureau aux murs nus. «Ici, la plupart des titres ont plus ou moins leur clan. Les affaires sont sorties parce que Betchine a de l'ambition politique et se positionnait dans l'arène. Pour certains, il a donc fallu l'abattre», accuse-t-il, parlant de manipulation de ses confrères.
Au Matin, un des premiers à avoir publié ces affaires, Farid Alilat raconte d'abord ces années où «le terrorisme a tout occulté». «On ne pensait qu'au danger. On s'est retrouvé sur les mêmes positions que le gouvernement: aucune concession à l'intégrisme islamique. Mais nous, par idéologie, eux parce que cela arrangeait leurs affaires. Ils se sont servis du terrorisme comme d'une priorité qui permettait de passer sous silence tout le reste, la démocratie et la liberté. On se rendait compte qu'on servait d'alibi
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Hamid Zahir*, vivant univers, nov-dec 1998
En résidence surveillée, la presse algérienne n'est plus à l'avant-garde du combat pour la démocratie.

La presse arabophone est la première à subir les effets de la reprise en main. Les journaux du FIS ("El Forkane", "El Mounkidh") sont interdits, suivis de nombreux journaux arabophones qui, sans être apparentés politiquement, ont des lignes éditoriales islamisantes. La dichotomie entre "éradicateurs" et "réconciliateurs" se met en place. Par le nombre de titres, c'est le courant éradicateur qui domine de façon écrasante.
Cet alignement général de la presse privée francophone sur les choix du pouvoir obéit autant à des intérêts économiques qu'à des convictions propres. Intérêts économiques, d'abord, car les journaux dépendent de la publicité qui est, à plus de 90 %, le fait d'annonceurs publics. Fin 1992, une circulaire gouvernementale les somme de passer par l'ANEP (agence publique de publicité). Le gouvernement peut donc contrôler, à sa guise, cette "manne publicitaire" dont est exclue la presse arabophone, à l'exception d'"El Khabar". Résultat par le jeu des suspensions et des difficultés financières, le paysage médiatique s'appauvrit de plus en plus.

Cet intérêt financier réel des journaux privés pousse à l'alignement sur les thèses du pouvoir. Mais il s'accompagne aussi de convictions politiques anti-islamistes qui aboutissent à leur nier systématiquement les droits humains élémentaires.
Selon les journalistes qui ont choisi de se retirer du métier, c'est là que se situe la grande faille de la presse algérienne, celle qui l'empêche durablement de devenir un des contre-pouvoirs dont a besoin une démocratie.
Dans sa grande majorité, la presse algérienne a accepté et justifié une vision étriquée des Droits de l'Homme en niant systématiquement, et contre toute évidence, les atteintes subies par des milliers d'Algériens.
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