Friday, August 04, 2006

Décès de M. KADDACHE: Ce que la presse "indépendante" a évité

Décès du Pr.Mahfoud KADDACHE

Le scout, le militant, l’intellectuel, l’historien, l’humaniste, l’ « ancien » a rejoint le monde des Justes

Par Hanafi Si Larbi, 3 août 2006

« La véritable et actuelle définition de L’INTELLECTUEL est celle qui se rapporte à son engagement, à l’affirmation et à la défense des principes universels de justice, de liberté en faveur du progrès, de la dignité, de la citoyenneté et d’une meilleure gouvernance dans notre pays » Mahfoud Kaddache (1)
Octobre 1988. La rue algérienne grondait. Des jeunes algériens tombaient sous les balles assassines libérées par d’autres algériens. Le personnel politique « connu » à l’époque faisait partie de la nomenklatura régnante. Des noms de figures pourtant emblématiques étaient mis sous le boisseau s’ils n’étaient pas en résidence surveillée , en exil ou dans le meilleur des cas interdits de parole dans leur propre pays. La timide mais forcée «ouverture démocratique » a permis à la jeunesse algérienne de voir sous son vrai visage le système et de découvrir des noms, des visages jusque là emboîtés, muselés à la limite de l’asphyxie. Parmi ces personnalités, je découvrais le professeur Kaddache, l’auteur de « L’Histoire du nationalisme algérien de 1919 à 1951 » qui se passait sous le manteau car son contenu mettait à nu ceux qui se cachaient derrière la légitimité historique pour mieux régenter le peuple ! Il était là cette mi- octobre 1988 le Professeur, en cher et en os, en compagnie de l’infatigable Ali Yahia Abdennour et la célèbre actrice Isabelle Adjani venus dénoncer ,au campus de l’université de Bouzaréah, la torture exercée contre les jeunes manifestants. Sans trop de gestuelle, avec des mots simples il avait su apaiser l’ardeur des étudiants qui voulaient, mains nues, en découdre avec les services de sécurité. Son leitmotiv : organisez-vous !

Né le 13 novembre 1921 à Alger, orphelin de père à l’âge de six ans, il exercera différents métiers pour subvenir aux besoins de sa famille : tantôt marchand de légumes à la Casbah tantôt vendeur de produits de beauté dans les quartiers « européens ». Malgré cette vie dure, il effectuera un parcours scolaire des plus brillants : du certificat d’études primaires, au doctorat d’Etat dirigeant plusieurs mémoires, magistères et doctorats en Algérie et à l’étranger.
Adolescent, imprégné des idées indépendantistes du PPA/MTLD, il deviendra un des piliers des Scouts Musulmans Algériens (SMA) participant ainsi aux manifestations du 1er mai 1945 sauvagement réprimées par la police coloniale. Cet épisode fera réagir le tristement célèbre gouverneur général Naegelen qui adressera une lettre sèche aux responsables du Collège algérien du scoutisme pour exclure de ses rangs les SMA dont « l’attitude contraire aux intérêts de la France ne saurait être tolérée plus longtemps ». Militant de la cause nationale, il subira les affres des arrestations et détentions arbitraires et échappera à des tentatives d’assassinat de l’OAS en 1961 à Ben Aknoun, là ou l’écrivain Mouloud Feraoun tombera sous leurs balles.
Durant cette période -du cessez-le-feu à la proclamation de l’Indépendance-, courte de quatre-vingt-dix-sept jours mais riche en évènements, Mahfoud Kaddache, était membre de l’exécutif provisoire, à Rocher Noir. Sous la présidence de A. Fares, il devait faire face au déchaînement de l’OAS, préparer les outils du référendum, mettre sur pied l’administration algérienne et surtout clarifier l’amalgame entre les institutions étatiques et les instances du FLN source d’affrontements à l’intérieur du CNRA.

A l’indépendance, Mahfoud Kaddache se consacrera prioritairement à l’enseignement après avoir décliné des postes de responsabilité (ambassadeur en Espagne entre autre…).
Mais un homme de l’envergure du Pr. KADDACHE ne pouvait taire ni cautionner les dérives et leurs auteurs fussent-ils ses propres amis ou des compagnons dont l’ambition démesurée attentait aux intérêts du pays. Pour lui « l’ambition humaine est ce qui motive nombre d’acteurs politiques. Aucune fonction, aucune autorité, aucun honneur n’est à l’abri dans le monde agité des ambitions ». Il a su par sa rigueur, sa patience, la minutie avec laquelle il retrace les évènements de notre pays, donner à chaque acteur la place qui lui sied : « les hommes partent, leurs actes sont inscrits dans les livres d’Histoire » disait-il.

Quand l’Algérie était mise à feu et à sang durant la décennie rouge, notamment lors des massacres à grande échelle aux portes de la capitale, le professeur Kaddache, se retrouvait une autre fois là ou résidait la volonté de son peuple, c'est-à-dire dans le camp de la paix. Il fit partie des forces de la réconciliation nationale aux côtés de Hocine Ait Ahmed , Ali Yahia Abdennour, Abdelhamid Mehri,... A partir de 1997 il choisissait de défendre ses positions dans le seul cadre qui lui permettait en cette période trouble de rester fidèle à ses idéaux. Il rejoignit à cet effet, le FFS pour se charger de la formation au niveau de la Fédération d’Alger où il milita jusqu’à son dernier souffle dimanche dernier.

Hanafi SI LARBI
(1)Extrait de la préface de l’ouvrage de Nouara HOCINE –Les intellectuels algériens- juin 2005 édition Dahlab
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Wednesday, August 02, 2006

La presse "indépendante" et la mort de M. KADDACHE

Monsieur Mahfoud Kaddache historien algérien, homme de grande probité, homme d'engagement, a été insulté par la presse "indépendante" algérienne (et la presse publique bien sûr) qui a fait son panagyrique jusqu'à 1990.
L'insulte?
Tout le combat de Mahfoud Kaddache contre le régime issu du coup de force de janvier 1992 a été occulté. Pas un mot non plus sur son appartenance au parti d'opposition radicale et pacifique le Front des Forces Socialistes (FFS) lui aussi boycotté par cette presse qui s'autoproclame libre.
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Exemple de Liberté qui vaut pour tous les autres tellement le contenu est quasi-identique :

LIBERTE Actualité (Mardi 01 Août 2006)
L’historien Mahfoud Kaddache est décédé Un témoin avisé s’en va

Par : Samir Benmalek
Mahfoud Kaddache est l’auteur d’une importante œuvre portant sur l’histoire ancienne et récente de l’Algérie. Une riche bibliographie qui emprunte aussi bien au témoignage qu’à la rigueur de la recherche scientifique.
L’historien Mahfoud Kaddache, décédé à l’hôpital de Aïn Naâdja, sera inhumé aujourd’hui à Alger. Âgé de 85 ans, le défunt était souffrant depuis quelques jours. Après un parcours de militant engagé, Mahfoud Kaddache est l’auteur d’une importante œuvre portant sur l’histoire ancienne et récente de l’Algérie.
Une riche bibliographie qui emprunte aussi bien au témoignage qu’à la rigueur de la recherche scientifique. Il a également dirigé plusieurs thèses portant sur l’histoire de l’Algérie. Dans une Algérie encore occupée, le jeune Mahfoud Kaddache parvient à effectuer un parcours scolaire régulier qui le mènera à l’école normale où il obtient une licence d’histoire. Diplôme qui sera suivi de celui d'études supérieures, puis le doctorat d'État. Ce cursus universitaire ne l’empêchera pas de prendre part au mouvement national, dont il sera l’un des historiographes. Cette initiation passera par les Scouts musulmans algériens dont il sera le secrétaire général en 1953 et président de 1957 à l’Indépendance. À cause de ses activités politiques au sein du MTLD, il sera à plusieurs reprises arrêté par la police coloniale. Une fois l’Algérie libérée, Mahfoud Kaddache enseignera à l’Université d’Alger tout en collaborant dans des périodiques dont la Revue africaine. Ses ouvrages, qui traitent de l’histoire antique de l’Algérie ou de sa guerre de libération, répondent au souci “que ce soit les Algériens qui écrivent leur propre histoire”, tenait-il à répéter. D’ailleurs, le titre de l’un de ses derniers livres, l’Algérie des Algériens, paru en 2003, est, comme le souligne son éditeur Le Rocher Noir, “cet ouvrage monumental qui retrace l'histoire complexe et mouvementée de l'Algérie, depuis son occupation au Paléolithique jusqu'à la domination des derniers envahisseurs, les Français (…)” Très prolifique, malgré ses charges d’enseignant ou celles de directeur d’institut de bibliothéconomie, le regretté historien, n’a jamais cessé d’écrire depuis les années 1970. On peut citer La Vie politique à Alger de 1919 à 1939 (1970), L'Algérie dans l'Antiquité (1972), L’Emir Abdelkader (1974), Il y a trente ans le 8 Mai 1945 (1975), L'Algérie médiévale (1982), L'étoile nord-africaine, 1926-1939 (1984) L'Algérie dans l'histoire, 1900-1954 (1989). Son dernier ouvrage, paru en 2004 chez Paris Méditerranée, est Histoire du nationalisme algérien 1919-1951. “Mahfoud Kaddache exhume plus de 30 ans de lutte pour la reconnaissance des droits du peuple algérien. Sans omettre les contradictions qui ont traversé les différents mouvements nationalistes, il rend compte du combat de ceux qui se sont élevés contre l'occupant français, de cette longue marche faite d'humiliations, de compromis et de défaites... mais toujours guidée par l'espoir et la liberté. Autant qu'un écrit scientifique rigoureux, ce livre est un plaidoyer remarquable pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes”, est-il écrit dans la présentation de ce livre. Plusieurs personnalités ont considéré ce décès comme “une perte pour l’Algérie. À l’image de Noureddine Benbrahem, commandant des SMA qui estime que “le défunt était un avant-gardiste et un unificateur, ce qui lui a valu l'amour et l'amitié de tous ceux qui l'ont connu et travaillé avec lui en Algérie et à l'étranger”.
Samir Benmalek
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LIBERTE La 24 (Mercredi 02 Août 2006)
Mahfoud Kaddache inhumé au cimetière de Ben Aknoun Un dernier hommage lui a été rendu hier
Par : Agence
L'historien et chercheur Mahfoud Kaddache, décédé dimanche soir à Alger à l'âge de 85 ans, a été enterré hier au cimetière Zedek de Ben Aknoun (Alger). Outre sa famille et ses proches, de nombreuses personnalités politiques, scientifiques et ses anciens collègues d'université, ainsi que des représentants du mouvement scout étaient présents à l'enterrement. “Indépendamment de l'universitaire que tout le monde connaît pour ses travaux extrêmement importants et “fouillés” sur le nationalisme algérien depuis 1920 à nos jours, Kaddache a été un militant et un témoin de la lutte de libération nationale qui a analysé cette période dans ses écrits avec un œil objectif”, a déclaré à l'APS M. Daho Ould Kablia, ministre délégué aux Collectivités locales. Il a également mis en exergue l'apport universitaire de Mahfoud Kaddache qui “a formé des générations de jeunes en leur inculquant le patriotisme et le civisme”. M. Ali Haroun, ex-ministre et personnalité nationale, a, pour sa part, rappelé le rôle joué par le défunt historien dans la création du mouvement des Scouts musulmans algériens (SMA) et qui “était, a-t-il dit, parmi les fondateurs et les dirigeants du groupe El-Kotb”. “Je l'ai connu surtout dans le milieu du scoutisme. Il nous guidait sur la voie des opinions nationalistes”, se rappelle M. Ali Haroun à propos de “cet homme d'une grande compétence et d'une grande modestie’’. Pour M. Noureddine Toualbi, ancien recteur de l'Université d'Alger, actuellement représentant de l'Algérie à l'Alecso et l'Isesco, Mahfoud Kaddache “était un responsable d'une grande rigueur tout en étant un homme convivial et plein d'affection pour les gens qui l'entouraient”. “Le professeur Mahfoud Kaddache, que j'ai eu comme enseignant à l'université, était également un professeur émérite qui nous a fait aimer la matière d'histoire qu'il savait raconter avec une didactique propre à lui.” De son côté, le Pr Saïd Chibane a mis en valeur le travail réalisé par le défunt professeur et historien qui a “consacré sa carrière à la formation”. “Il a formé des lycéens, des universitaires, des générations de lecteurs dans le monde, qui se sont intéressés à l'histoire de l'Algérie”, ajoutant que “dans la recherche en histoire, il a laissé une école”.
Synthèse agence