Monday, January 29, 2007

Une presse qui brouille les pistes

AFFAIRE KHALIFA
Trouver un glaçon dans l’eau bouillante

Djameleddine Benchenouf, Algeria-Watch, 27 janvier 2007

Le journal El Watan annonçait dans son édition du 25 janvier que l’affaire Khalifa « s’achemine petit à petit tout droit vers une voie dont l’aboutissement s’annonce explosif. » Le titre de cet article était « Les auteurs invisibles ». Il n’y a là, à l’évidence, ni suggestion, ni allusion, ni sous entendu. Et c’est en des termes semblables que l’ensemble de la presse traite de l’ «affaire du siècle». A les prendre au mot, le procès est un train qui ne s’arrêtera qu’une fois en gare. C’est à dire qu’il va dévoiler tout le processus qui a prévalu à l’avènement du « phénomène Khalifa » et mettre à jour toutes les complicités. Complicités aux plus hauts niveaux des Institutions de l’État. Pour que l’aboutissement annoncé soit aussi explosif que promis!
Sauf qu’entre les effets d’annonce, en attendant les effets de manche, et les pinaillages sur le sexe des anges, le commun des mortels ne sait plus très bien ce qui est en train de se passer. Il est vrai que le spectacle est d’une rare qualité. Un vrai défilé de demi mondains. Jusqu’à des vedettes et des maquignons du football, des ministres, un chef de parti qui avait pris un faux départ contre la corruption, le patron du syndicat exclusif, de hauts responsables en tout genre et tutti quanti. Dans le lot, quelques personnalités ont eu droit aux égards de la présidente et du procureur qui les ont chaudement congratulés pour avoir bien voulu condescendre. D’autres « témoins », en l’occurrence des ministres et des « grands Serviteurs« de l‘État, ont eu droit à une procédure parallèle. De la justice sur mesure. Il a été décidé de les faire auditionner par la Cour suprême. A l’abri des regards. Curieux égards!
Le commun des mortels a appris par ailleurs que le procès ne devait pas dépasser « les lignes rouges » La presse s’est faite l’écho de cette « instruction venue d’en haut » sans la commenter, et encore moins la dénoncer! Notez bien le pluriel! Il ne s’agit pas de « la ligne rouge » comme sait si bien l’évoquer le Chef de l’État, mais « des lignes rouges » Il y en a plusieurs. Faut il comprendre qu’il y a des quotas de lignes rouges. Que chaque clan, chaque Institution, chaque Corps de larrons a droit à tant d’exemptions. On n’aurait vraiment pas besoin d’aller vivre dans une île déserte si le grotesque pouvait tuer. Des lignes rouges!
Et c’est donc ainsi qu’à la deuxième semaine consommée du procès, le caquetage d’experts de circonstances se taille t il de larges espaces dans la presse quotidienne. Dans les cafés, au bureau, au hammam et dans les salles d’attente, les lecteurs se munissent désormais de stylos pour lire la presse. Comme ils ne comprennent rien à tout le jargon juridico bancaire qui occupe presque tout l’espace de l’article, ils soulignent les quelques paragraphes avant et après chaque nom connu, puis parcourent les paragraphes concernés. Mais ils ont beau lire, ils ne trouvent rien. Rien de décisif. Sauf que ceux qui sont déjà en prison ressemblent à en mourir à monsieur tout le monde et encore plus à ceux qui ne manqueront pas de les rejoindre bientôt. Peut être y aura-t-il deux ou trois hauts responsables, périmés et largués, à être jetés en pâture à une foule qui veut du sang de cols blancs. Les Kerramane par exemple et entre autres. Leur ligne rouge à eux s’est estompée et ils apprennent à leurs dépens qu’on ne sème pas de perles au pays des poules.
Et c’est ainsi que cahin caha l’affaire Khalifa se prépare au flop! Mais y a t il au monde quelque naïf qui a vraiment cru qu’il y aurait un vrai procès? Une vraie justice et toute la vérité sur tous les dessous des cartes? Non bien sûr! Personne n’est dupe à ce point. Sauf que tout le monde s’amuse à faire comme si c’était vrai. Les initiés appellent ce genre de parodie « La tahia Ouyahia »
C’est exactement ce qui se passe avec le procès Khalifa! Voilà une embrouille commise par un jeune pharmacien, quasiment inconnu dans le bataillon si ce n’est que son père était dans le coin, dans les années 5O, au moment où le MALG, l’ancêtre de la Sécurité Militaire a été crée par Boussouf et compagnie. Contrairement à ce que l’on serait tenté de croire, l’escroquerie est loin d’avoir été exécutée avec brio et maestria. Elle a été menée de façon grossière, cousue de fil blanc, de bout en bout. Sans le feu vert des barons du régime, elle aurait été irréalisable. Un tout autre escroc n’aurait pas pu réussir avec les mêmes méthodes un coup d’un seul milliard de centimes. Khalifa a réussi, quand à lui, à escamoter plus de deux mille milliards de centimes de dinars. Environ deux milliards de dollars, soit, pour mieux assimiler l’ordre de grandeur, deux mille millions de dollars. Et l’on voudrait nous faire croire qu’une pareille escroquerie, peut être la plus importante jamais réalisée au monde dans l’Histoire, en terme de valeur, puisse être jugée de la façon cocasse qui a cours en ce moment au tribunal de Blida, en cuisinant durant des heures un caissier qui parle de sommes relativement minimes embarquées dans des sacs poubelles.
Les vraies questions ont été soigneusement éludées. Elles se posent pourtant d’elles même. Quels sont les entreprises les organismes publics et même les banques publiques qui ont massivement et presque simultanément déposé d’importants fonds à Khalifa Bank alors que celle-ci sortait de terre, qu’elle ne présentait aucune fiabilité particulière et que le taux d’intérêt relativement élevé qu’elle offrait était justement un signe qui aurait dû les alarmer. Trois de ces banques ont placé à elles seules plus de mille milliards de centimes. Le secrétaire général de l’UGTA et néanmoins Président du Conseil d’administration a usé de son influence pour y faire placer environ 2000 milliards de centimes dont 1000 milliards auraient été réintégrés illico par la CNAS à la suite d‘une grogne des milieux dirigeants de la Caisse. L’argent des travailleurs et des assurés sociaux. Pourquoi ces organismes qui ont versé ces sommes n’ont-ils pas été auditionnés en séance publique? Qui leur a « suggéré » de procéder à ces opérations? Il est certain qu’il n’y a aucune preuve et que les milieux qui ont fait affluer l’argent public vers Khalifa Bank, ces fameux invisibles, n’ont pas laissé de trace de leurs instructions, mais ne serait il pas opportun d’inculper et d’auditionner publiquement les responsables qui ont procédé aux opérations? A-t-on peur qu’ils ne fassent des révélations compromettantes? Il est pourtant quasi certain que ces ordonnateurs ont été « sollicités » personnellement, pour donner un coup de pouce à l’ami Khalifa. Nombreux d’entre eux ont été grassement arrosés, ainsi que leurs familles. Il n’y a qu’à faire un inventaire des cartes bancaires offertes à tour de bras pour se faire une petite idée. Parmi ces ordonnateurs, certains sont au cœur du système et appartiennent à des clans de décideurs. Leur rôle dans cette affaire est notoire mais une vraie ligne rouge les sépare de la barre, contrairement au lampiste qui croupit en prison.
Qu’est devenu tout l’argent qui a été escamoté? Le gros de l’argent? Quels sont les barons du régime et leurs parentèles qui ont directement profité de la manne? De sommes massives, de devises étrangères, d’actions, d’appartements cossus dans les capitales étrangères et d’autres cadeaux substantiels?
C’est de cette démarche que peut éclater la vérité, toute la vérité. Quitte, dans la foulée, à impliquer jusqu’au dernier lampiste. La « Tahia Ouyahia » qui a cours aujourd’hui au tribunal de Blida ne sera pas une boite de Pandore pour tous ces pourris qui passent des nuits tranquilles, parce qu’ils savent qu’ils ne seront jamais inquiétés. La menace de poursuites est inversement proportionnelle aux sommes empochées. Plus tu as pris, moins tu seras embêté! Ils continuent d’ailleurs à préparer d’autres coups fumeux dans leurs tanières lambrissées. Pour mettre les enfants à l’abri. Parce qu’on ne sait jamais ce que nous réserve l’avenir, soupirent ils…..

D.B [http://www.algeria-watch.org/fr/article/tribune/benchenouf_khalifa.html]

Friday, January 05, 2007

A quoi joue la presse?

AFFAIRE KHALIFA