Khalida Toumi Messaoudi et KHALIFA
El watan édition du 18 février 2007
Khalida Toumi désigne une de ses cadres à Khalifa TV
Plusieurs accusés, poursuivis pour abus de biens sociaux, ont été entendus durant l’après-midi. D’abord, Lynda Benouis, directrice de la monétique à El Khalifa Bank.
Le tribunal lui reproche d’avoir bénéficié d’un crédit de 9 millions de dinars, qu’elle dit avoir remboursé à Abdelmoumen en trois tranches. En 2001, sa mère était malade et devait déménager de son logement situé au 6e étage. Elle avait demandé au défunt Aloui si la banque accordait des crédits pour l’achat d’un logement. Il l’oriente vers Abdelmoumen qui, selon le responsable, était le seul habilité à accorder les prêts. « J’ai vu le PDG et je lui ai dit que c’était une urgence. De ce fait, il m’a dit qu’il m’avançait la somme de son propre argent. Il m’a demandé les coordonnées de la personne qui devait me vendre l’appartement au boulevard Mohammed V, à Alger, et il lui a viré le montant de 9 millions de dinars. Lorsque j’ai commencé le remboursement, le PDG m’a demandé de lui remettre les montants en main propre. Ce que j’ai fait, mais à la fin je lui ai fait une lettre de remerciements et sollicité un accusé de réception. Ce qu’il a fait », déclare l’accusée, en précisant que la personne qui lui a prêté le montant remboursé est décédée en 2002. La présidente demande à Benouis comment elle qualifie ce crédit. « Un prêt personnel », dit-elle. La magistrate : « Quelle preuve avez-vous ? » L’accusée : « Je n’ai aucun document. Lorsque je rentrais dans le bureau du PDG il était toujours seul. Mais sa secrétaire peut témoigner que je venais le voir. De plus, j’ai la lettre où il m’accuse réception. » La présidente : « Le montant porté sur le contrat est de 5 millions de dinars. » L’accusé : « J’ai remis 9 millions de dinars. Si le vendeur a fait une fausse déclaration, ce n’est pas de ma faute. » La présidente l’interroge sur la visite qu’elle a effectuée au bureau de la mutuelle des P et T, avec Chaâchaouâ Abdelhafid et Tahar Mekader. Elle révèle qu’elle y est allée à titre de directrice de la monétique pour proposer des services, notamment en matière de paiement électronique, aux clients de la banque. Ce qui explique, dit-elle, qu’elle y est retournée, une fois que la mutuelle était cliente pour lui faire des offres. « Le PDG m’a demandé de récupérer à l’occasion les conventions, du fait que les responsables étaient indisponibles », dit-elle. Pour elle, les cartes magnétiques ne sont pas des mesures d’accompagnement. Pour les avoir, dit-elle, il faut impérativement avoir un compte alimenté, que ce soit en dinars (constituant 80% des cartes) ou en devises représentant 20% des cartes. A ce titre, elle affirme que les Mastercard et les American Express sont de plusieurs types et en aucun cas elles ne peuvent être délivrées sans le compte. Il y a de la plus petite, à 200 euros de crédit, jusqu’à 3000 euros, en passant par 500 et 1000 euros. La carte bleue par exemple est à 3000 euros minimum, dont la moitié est bloquée par la banque. Elle affirme que lors du blocage effectué par la CSC à Beyrouth et la Bahreïn Express à Manama, en mars 2003, seul Mastercard continuait à transmettre les dernières dépenses qui n’ont pas été payées par Khalifa. La présidente interroge l’accusé sur une écriture comptable à propos du virement du montant de 9 millions de dinars. « L’écriture fait état de l’acquisition d’une villa de la monétique », déclare la juge. L’accusée : « Je ne sais pas. C’est au niveau de la banque. J’ai acheté un appartement. » La juge appelle Mir Omar, ancien directeur de l’agence de Chéraga. Il déclare que sur instruction du PDG, la DG a débité le compte de la direction des moyens généraux et le libellé faisait état de l’acquisition d’une villa pour la monétique. La présidente : « Vous ont-ils envoyé les preuves ? » L’accusée : « Non. »
Un pied dans le privé et un autre dans l’Etat
Elle appelle Bensouda Samira (Hadj Djilani), ex-directrice de la presse écrite au ministère de la Communication, poursuivie pour abus de confiance. Elle occupait le poste de directrice générale de l’antenne d’Alger de Khalifa TV, alors dirigée, selon elle, par Mounir Boudjemâa, et Khalifa News, par Soraya Bouâamama. Elle affirme que Djaouida Djazourli l’a appelée, lui demandant des noms à même de prendre en charge l’antenne d’Alger. Elle l’a reçue à son bureau alors qu’elle était directrice de la presse au ministère de la Communication, sur instruction de la ministre de la Communication et de la Culture et en même temps porte-parole du gouvernement. « Elle était accompagnée par Nadjia Bouzeghrane et voulait une accréditation pour l’antenne. Nous avons longuement parlé des objectifs des deux chaînes, qui devaient, selon Djazourli, soigner l’image du pays. Nous avions les mêmes principes. » La présidente : « Je n’ai pas encore saisi. Vous étiez au ministère de la Communication ? » L’accusée : « J’y arrive. Le bureau a donc été accrédité. Djazourli m’a invitée à aller voir à Paris comment la chaîne fonctionne. J’y suis allée et j’y ai passé deux jours au cours desquels j’ai eu à m’entretenir avec les journalistes et la rédactrice en chef Nadjia Bouzeghrane. A mon retour, j’ai fait un rapport détaillé à ma ministre. Celle-ci m’a demandé de prendre le poste de directrice. J’ai hésité, puis j’ai fini par accepter. » L’accusée demande à la juge si elle peut continuer. La présidente : « Est-ce que nous avons cousu les lèvres à quelqu’un dans ce tribunal ? Continuez. » L’accusée : « J’ai dit à Madame la ministre : ‘’Et ma situation ?’’ Elle m’a dit qu’elle ne sera pas touchée et qu’elle sera préservée. Elle m’a clairement dit que j’étais en mission à Khalifa. J’ai accepté, non pas pour le salaire, mais uniquement parce que c’était une mission dont j’étais convaincue. » La présidente : « Avez-vous signé un document ? » L’accusée : « Non, mais le secrétaire général était au courant de tout cela. » La magistrate : « Qu’avez-vous compris. Est-ce une mission personnelle ou de l’Etat ? » L’accusée : « Au début, pour moi, c’était une mission de l’Etat. J’étais payée par le ministère de la Communication, mais trois mois après (janvier à avril), j’ai démissionné de KTV. » La présidente : « Je n’ai toujours pas compris. Vous êtes nommée comment ? » L’accusée : « Par décret présidentiel. » La juge : « Il y a là une confusion dans les fonctions. Comment accepter d’aller travailler chez le privé en restant payée par le ministère ? Vous êtes un cadre. Vous ne pouvez changer comme cela. C’est comme si moi demain je décide de porter la robe des avocats, et Dieu seul sait que souvent j’ai envie de la porter pour aller plaider. C’est comme Maâmar Djebbour, qui était en même temps à la radio et à Khalifa. Etiez-vous au courant ? » L’accusée : « J’étais chargée de la presse écrite (…) J’ai eu une décision signée par Abdelmoumen. » A propos de son salaire, elle affirme n’avoir jamais négocié ou demandé un quelconque revenu, du fait qu’elle était payée par le ministère de la Communication à 70 000 DA par mois. Néanmoins, elle avoue que Djamel Guellimi lui a soulevé cette question en qualité de directeur général de KTV. Il en a par la suite informé le PDG, qui lui a fait une avance de 200 000 DA sur les trois mois de travail. L’accusée estime n’avoir rien demandé. Elle avait plus peur pour le matériel de plusieurs dizaines de milliards menacé de vol par des gens dont elle refuse de citer les noms. La présidente lui demande de parler de la Polo dont elle avait bénéficié à titre de responsable. Elle demande à Djellab, l’administrateur, de la garder. Entre-temps, son mari est nommé à l’étranger, elle part en la laissant dans le garage jusqu’à ce que les gendarmes la convoquent. Pour elle, c’est une négligence et rien de plus. Le procureur général revient sur le salaire de l’accusée, 200 000 DA, et 2000 euros. Elle révèle que la grille des salaires des rédacteurs en chef était de 100 000 DA et 1000 euros. Elle précise, néanmoins, que la somme en devises, ils ne l’ont jamais perçue. « Comment expliquer que vous receviez votre salaire de Khalifa et du ministère de la Communication ? Vous êtes un commis de l’Etat. » L’accusé : « Je suis la seule personne qui n’était pas intéressée par l’argent ou le statut. Le ministre était au courant. » La présidente : « Nous ne travaillons pas dans un souk. Vous êtes nommée par décret présidentiel. » L’accusée : « Je n’ai rien négocié. » La présidente appelle Guellimi qui confirme les propos de l’accusée. Celle-ci perd son contrôle et affirme qu’elle refuse de citer des noms qui risquent de se retrouver à la une des journaux. La présidente : « Ne me menacez pas. Si je vous dis de parler, faites-le et j’assume tout ce qui se dit ici. Aucun nom ne me fait peur. Citez tous les noms que vous voulez. » Me Berghel profite de l’occasion et demande la convocation de Mme la ministre Khalida Toumi. La présidente : « J’ai dit qu’aucun nom ne me fait peur. Je veux juste le respect de la procédure. Vous avez demandé la présence de Ahmed Ouyahia, je vous ai dit que si la nécessité le demande au cours des audiences je le ferai. Cela n’a pas été le cas. Je refuse catégoriquement de politiser le dossier ou que ce tribunal soit transformé en tribune politique. Je m’en tiens uniquement à l’accusation contenue dans l’arrêt de renvoi. Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais de grâce, ne politisez pas le dossier. »
(…)